Choix du NUMÉRO
J.S.O. n°041
VENDEMIAIRE 2009

Il Giro Del Mundo



MAJERUS, C'EST MAGICUS
NOMADIC VILLAGE
GERARD TRAQUANDI - GALERIE LAURENT GODIN
CORINNE MARCHETTI - GALERIE PORTE AVION
GILLES BARBIER : DE DROLE D'OBJETS AU RAS DE LA REALITE
CCI - DEUXIEME CONCOURS ARTISTIQUE
POEME PAS-SAGE -  Commentaire de Julien Blaine de trois pieces







AND THE WINNER IS





SOMMAIRE

MAJERUS, C'EST MAGICUS !



Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug
Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug


MAJERUS, C'EST MAGICUS !


Georges Majerus expose à la Galerie Jean-François Meyer un ensemble de Polaroids grands formats de différentes périodes selon un agencement particulier qui mélange les thématiques de son travail : le spectre des couleurs, la guerre, les avatars de l´amour.

SX70 : code magique pour Majerus ! Celui du Polaroid mais aussi celui du film. Mis au point par le docteur Land dans les années 70, il n´est actuellement plus produit. Pourquoi cet appareil plus qu´un autre ? Parce qu´il offre une facilité d´emploi et une immédiateté qui permet de ne plus réfléchir quand la mise au point est terminée. Un avantage appréciable lorsque les séances durent de 2 à 3 heures pour prendre une dizaine de photos.

Majerus aime détourner les objets de leur contexte au moyen d´effets optiques. Il reste souvent surpris de son propre résultat. " Parfois sur dix photos, neuf sont réussies ", avoue-t-il. Le résultat est surtout le fruit d´un maniement particulier de son SX70. Ce travail est physique, presque " comme une performance, surtout les photos qui sont purement spectres, pour lesquelles le travail est uniquement sur la couleur et la forme ", précise-t-il.
Ses photos sont des exposés argentiques sur Dibon. Ce procédé leur confère un aspect polaroid sur grand format. Mais aucune photo n´a subi de traitement logiciel. Majerus construit ses photos : il scanne les polaroids, les numérise puis les traite en labo avant de les contrecoller sur un support Dibon. Tout son travail est donc original et les photos sont une reproduction la plus fidèle possible du polaroid initial. Son alchimie organique repose sur un effet de démultiplication. " J´aime multiplier et mon chiffre de base est le trois ", dit-il. Il a choisi délibérément le cheminement le plus simple et le plus pur, le plus exigeant aussi.

La palette chromatique des Polaroids se compose de rouges et de bleus, le noir en est absent. Alors comment Majerus parvient-il à produire des noirs si profonds, si envoûtants ? " En travaillant sur un bureau noir et en jouant sur la profondeur, je jongle avec deux mondes qui s´interpénètrent ", confie-t-il. On sent qu´il ne nous révélera pas tout. C´est sa " petite cuisine ".

Les photos ont des dimensions particulières qui créent un trompe l´œil : elles donnent l´impression d´être carrées. Elles sont en effet imperceptiblement plus hautes que larges. Majerus a travaillé principalement avec deux formats, un format plus petit de 26 x 32 et un format plus grand (79 x 96) qui correspond à l´assemblage de 81 petits polaroids.

Sauf exception, Majerus n´accorde pas de titre à ses œuvres, elles parlent d´elles-mêmes. " Tout est compréhensif, presqu´évident ", ajoute-il.


Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug
Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug

Le spectre des couleurs
Plusieurs groupes de photos traitent du spectre des couleurs. Majerus fabrique ses spectres avec des matières réfléchissantes et crée un flou en variant les expositions (3 à 4 secondes). Ses couleurs semblent vivantes, en mouvement, elles font penser à des tableaux de peinture abstraite. Sur une photo, une main pointe une boule blanche sur un tapis vert de billard. Les couleurs s´entrechoquent avec bruit. Une autre est un grand ´faux´ carré noir avec, en son centre, une lueur rouge surmontée d´une légère volute vert-jaune. Cette lumière, il l´a voulue, il l´a cherchée, il l´a élaborée avec son appareil : avec une grande ouverture et en prenant appui, il a maintenu l´exposition sur plusieurs secondes, cela lui a permis de sélectionner une zone en particulier. Le rouge est rempli d´une intensité, d´une épaisseur, la volute semble gazeuse et le noir autour vous happe comme un tunnel.

Trois cerfs-volants dans un ciel bleu, quelques flocons nuageux. D´aériennes traïnées horizontales, des fluorescences vertes verticales. Ils flottent dans un bleu de ciel éternel, ni printemps, ni automne, et s´élancent comme poursuivis par des lucioles vertes, retenus seulement par leur cordon d´un bleu intense. L´un blanc, l´autre multicolore. Tout en haut, un rouge semble avoir pris son envol définitif, comme détaché dorénavant des contingences de ce monde, flottant ivre de liberté toujours plus haut. En bas, la photo n´a pas de frontière, comme si la terre avait pivoté à la verticale des cieux.
Majerus est allé à la plage, il a vu des cerfs-volants, il les a pris en photo, tout simplement.


Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug
Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug

Cinq photos percées en leur centre d´un cercle de dimension réduite. Le pourtour est d´un noir sombre, le centre est occupé par une mini photo : un canal, un champignon, une petite plante de forêt, deux petits champignons accolés. Cet agencement, tel un clin d´œil, donne l´impression de se trouver derrière un objectif. Ces photos sont en fait le résultat d´un accident : un retournement de la jumelle devant l´objectif. Juste à côté, une petite tête de mort orange inscrite elle aussi dans un petit cercle noir. En réalité, il s´agit d´un panneau signalétique de danger dans une carrière que l´œil de Majerus a totalement modifié.

Dans ses photos représentant le feu, on a l´impression que les flammes dansent encore sous nos yeux et qu´elles sautent même d´une photo à l´autre.

Une autre photo montre un assemblage de trois photos sur papier A4 plié, juxtaposées à deux formes symbolisant une sorte de construction humaine par la multiplicité des angles, des formes et des ombres portées.

Trois photos de forêt. On jurerait qu´elles sont en noir et blanc. Effet d´optique trompeur. Elles sont réalisées dans des dominances de bleu. La forêt est d´un bleu profond,les champignons bleu fluorescent. Accrochés en grappe à leur tronc d´arbre, on dirait " Les Envahisseurs ". Sur un paysage de troncs et de branches enchevêtrés semble tomber une fine brume, perception subjective. Sur la troisième photo, une méduse floutée. Erreur, c´est un tout petit champignon qui s´est métamorphosé sous la loupe de Majerus.

Sous un autre groupe de photos, un nom : Phallus Impudicus ! Pas de confusion, c´est un champignon commun de nos forêts qui porte bien son nom ! Majerus a capté sa dichotomie surprenante. D´un côté, une sorte de tubercule ronde qui, sectionnée en son centre, ressemble plutôt à une vulve. C´est Phallus Impudicus en pleine jeunesse, œuf oblong et comestible. De l´autre, un pédiment érigé avec une petite calotte (la gléba) foncée. C´est Phallus Impudicus à maturité. Il évoque alors la forme d´un phallus en érection et dégage une odeur putride, il est devenu incomestible. Il porte même un surnom : satyre puant !

Sur une autre photo, un moine debout enveloppé dans sa cape nous fixe de son œil grave et mystérieux. Le vent souffle en rafales détrempées. Le paysage est dramatique comme une fin du monde, l´atmosphère irréelle est d´un gris d´argile...
En fait, il s´agit d´un face-à-face entre Majerus et une jeune pousse de datura sur son balcon un jour de pluie !

La guerre
Une photo de feu le Pape Jean-Paul II à Auschwitz. Au-dessus de la tête du pape, Majerus a gardé seules les dernières lettres du mot : WITZ. Witz signifie blague en allemand. Sous la photo du pape, comme pour lui faire écho, une photo de trois émirs hilares et inquiétants.

Une série de photos prises à la télévision montre Tony Blair et George Bush visiblement en plein discours sous-titré en arabe. A côté, une légende : déclaration à la télévision au peuple irakien après le bombardement des réseaux de communication. En-dessous, Vladimir Poutine au téléphone jouxte une photo d´un cochon avec un dollar tatoué sur le front. La légende indique : Poutine au téléphone avec l´ONU pour les traiter de cochons capitalistes.

Plus loin, trois photos de scènes de guerre surmontées du mot Kalak TV montrent une carte marquée d´une ligne brisée, un blindé dans le sable et une silhouette de femme allongée. Sur les trois semble courir cette brisure qui nous fait comprendre que la guerre, pour Majerus, c´est un char qui tue le peuple.


Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug
Georges Majerus, sans titre, photographie Amir Rezoug

Les avatars de l´amour
A l´origine de cette série de six photos, une publicité japonaise de très petite dimension qui recommande une technique pour faire l´amour sans attouchement. L´homme glisse son sexe dans un objet en plastique et se place derrière la femme qui s´attache une sorte de bassine sur les fesses. Majerus a transformé le petit original en une progression de six photos assemblées comme une chenille, l´une derrière l´autre, afin de démontrer l´incommunicabilité et l´absurdité de ces rapports.

Une autre photo. Un trèfle ou une serrure de porte ? Comme un regardeur regardé, son coeur est sombre, ses bords d´une laitance violacée, le contour est d´un blanc épais, chaud et vibrant rappelant la lumière du jour. Ici, Majerus a comme retourné son bureau noir. C´est pour mieux capter ton regard, mon enfant !

Le clou de l´exposition. Un grand format avec un pur carré noir nous fait face. " Cette photo, c´est la base de tout, le noir est frontal et transparent. C´est cette ambivalence qui nous aspire, nous captive, qui donne la dimension de l´infiniment grand et de l´infiniment petit, telle une rétine argentique ", déclare-t-il. Nous restons confondus.

Majerus est un magicien. Sa rétine est au format SX70. Amoureux de champignons, de petites pousses, de microcosmes, méticuleux, pris et épris dans une relation fusionnelle à son appareil, il polaroide le monde qui l´entoure. Et pour nous le faire partager, entre scanner et Dibon, il se démène sur un bureau noir dans sa petite cuisine.




Carine KOOL


Georges Majerus expose chez J-F MEYER
du 18 septembre au 18 octobre 2009
Galerie Jean-François Meyer
43, rue Fort-Notre-Dame, 13001 Marseille
Tèl : 04 91 33 95 01



MAJERUS, C'EST MAGICUS !


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NOMADIC VILLAGE




vue générale du village nomade
vue générale du village nomade

NOMADIC VILLAGE


Dans le nord de la Bulgarie, un village d´artistes nomades apparaït du 20 à 30 août 2009. Les participants arrivent avec leur logement, bus ou camionnette et construisent avec ces unités mobiles, un village temporaire. Le bus Steyr-Ikarus de Klaus Maehring, siège de On The Road Productions, reconverti en atelier et laboratoire photographique est dénommé mairie du village par ses habitants, sa place est centrale. Une yourte ramenée d´un voyage en Mongolie lui fait face et sert de bureau et d´espace internaute, toilettes et extension électrique viennent parfaire la structure de base. Organisé par On The Road Production et ouvert à tout artiste travaillant sur le nomadisme, cette rencontre se répartit en une semaine de résidence et deux journées de présentation publique.
Le Nomadic Village se situe à mi-chemin entre la petite ville de Pavlikeni et un village de roms, non loin d´une usine, d´une friche, de marais et de champs brûlés. Le choix d´un lieu en marge, délaissé, d´un tiers paysage tel que le définit Gilles Clément n´est pas anodin. Cette décision est même primordiale. En effet, l´activisme artistique de Klaus Maehring passe par le choix d´être en dehors des murs d´institutions existants, il refuse la clarté des espaces à la fonction bien établie.
Les murs divisent, les routes rejoignent. Les pratiques nomades brouillent les frontières entre les disciplines et chevauchent plusieurs domaines. Photographies, vidéos, sons, performances, installations, musiques, dialoguent. Le mélange des différents moyens d´expression comme la dimension multiculturelle est implicite chez les participants. Marta Moreno Muñoz par exemple est espagnole, elle vit aux Pays-bas, à Pavlikeni elle réalise avec les éléments du lieu et les habitants de la ville un projet interdisciplinaire " Future Communities " débouchant sur un film. Entre installation, performance, vidéo, son film évoque l´esthétique postindustrielle, post humaine. Surréaliste, presque voyant, le scénario est basé sur l´archaïsme des communautés futures.
Par essence subversif, marginal, le nomade circule grâce au détour, il n´a que faire du sens unique même s´il sait parfaitement où il va. L´artiste anglaise Bean spécialiste de performances à longue durée requalifie l´espace, en questionnant les limites d´un territoire. Toujours en phase de créativité, elle se met en scène en combinant différents éléments du paysage avec des vidéos, du texte.
Changement, multiplicité, univers en circulation, caractérise le mode de production de l´art du déplacement qui donne forme à une diversité d´expériences, de parcours. Ainsi, Lindsay Duncanson de Newcastle crée des installations temporaires à l´aide d´ illustrations, de texte, de petits objets. Elle les filme, les mélange et les re-projette. Sa caravane en forme d´œuf devient le lieu de projection, là défilent en continu les noms des cours d´eau traversés le long du trajet qui l´a amenée au village nomade.
Jooyoung Kim, artiste coréenne, pour qui, " nomadisme et vagabondage, sont le vrai état d´art " poursuit son projet chemin sacré, un rituel nomade qui de Corée au Japon, de Russie au Kazakstan, rend hommage au riz. L´artiste va chaque jour, au coucher comme au lever du soleil arroser un petit coin de terre qu´elle a délimité en tant que " terre sacrée ". Le dernier jour, pieds nus, elle offre du riz au paysage, une cérémonie pour un symbole d´alimentation commune.
La mouvance est une circulation, où il s´agit de faire passer de l´énergie autrement, c´est l´invention d´une vitalité et l´enthousiasme du chemin nouveau qui guide les artistes.Il s´agit d´un art d´adaptation aux contextes, aux changements, tout n´est ni prévu ni encadré, s´abandonner, improviser sont de mise. Arunakaij et Eva Zauner voyagent et travaillent avec deux enfants de quatre et six ans. Leur projet " cognition laissez-faire " est de laisser leurs enfants aussi libres que possibles, ne respectant qu´un minimum de règles. Arunakaij crée un film à partir de cette expérience où habits, voix, lumière, paysage nous renvoie au merveilleux et aux mystères de l´enfance.
Le nomade circule grâce au détour, à la débrouille, au bricolage. Marek Gabrysch réalise de petites installations acoustiques faisant résonner l´environnement grâce à des capteurs et à l´énergie solaire.


la source de Pavlikeni - réalisation finale
la source de Pavlikeni - réalisation finale

Lors d´un déplacement, espace et temps sont interdépendants, sons et couleurs se mélangent. Thomas Grusch Klaus Mähring du groupe Drama und Stern se promènent, poussant une brouette remplie de synthétiseurs, pianotant, jouant de la guitare électrique et chantant, ce duo à l´humour contagieux est plein de surprises, entre rock et techno sa musique un brin nostalgique est d´une fluidité sereine.
La route ne peut être perçue en une seule fois, de même la pratique du déplacement décentre, dérive, divague. Elle sonne la fin du chevalet, de la perspective, de la place du roi, du point de vue fixe privilégié. C´est ainsi que Martina Dandolo interroge la notion de paysage. Elle questionne la distance implicite existant entre la photographie et le paysage, en réalisant une série de sérigraphie au moyen d´une couleur extraite de baies croissant sur le lieu photographié.
L´art de la mobilité provient du grand désir de sortir de lieux institutionnels de l´art contemporain pour aller à la rencontre des gens. C´est un art proche de la vie, soucieux de tisser des liens avec la réalité. Le duo tadlachance poursuit son projet Sources et ressources, un voyage en Europe initié à la source de Saint Pons. Inspiré par l´antique coutume anglaise des well dressing, le duo rend hommage à la fonction poétique et symbolique des sources. A Pavlikeni, Madeleine Doré et Françoise Rod peignent en rose la source d´eau minérale thérapeutique où chacun vient boire, se laver les pieds ou nettoyer sa voiture. Elles interrogent chaque utilisateur sur ses points de ressources aussi bien intérieurs qu´extérieurs.
Ne cessant pas de s´opposer au matérialisme et à l´académisme, la pensée nomade se radicalise aujourd´hui, où nombre de frontières, de monopoles disparaissent, laissant place à la formation de micro communautés nomades. Tel le festival Burning Man, qui se tient chaque année dans le désert du Nevada, les rassemblement Rainbow ou la pratique du TAZ, Zone Autonome Temporaire théorisé par Hakim Bey, the Nomadic Village, propose une autre organisation de vie. Ainsi, la cuisine dans le village créée par Walter d´Asian Dub Kitschen est tout un art, végétarienne, basée sur les cinq éléments, créative, elle se fait avec conscience, lenteur et plaisir.
Errer, vaguer entraïne des surprises, des rencontres. Pour Mark Chia de Singapour tout peut être instrument, dans ses performances de sound music, il semble plonger avec une force de vie peu commune au fond d´une eau trouble.
Parmi les habitants du village, Ruediger Wassibauer est l´ambassadeur de Schmiede Hallein, un festival et une communauté de producteurs, très dynamique. Envoyé pour renforcer les relations diplomatiques avec On the Raod Production, il est accompagné de Gerald Shoberest, responsable de la documentation, producteur de films et vidéos au montage rythmé et enlevé. Leur présence débouche sur une invitation, le village nomade se rendra dans les gigantesques espaces de Schmiede, des anciens ateliers où était exploité le sel à Salzburg.
Le nomadisme est un mode de vie autant qu´un mode de pensée toujours en mouvement, refusant de se fixer à un endroit, à une certitude. Les artistes nomades ne cessent de se croiser, de s´entrecroiser de former de nouvelles chorégraphies, de nouvelles topographies.


Françoise Rod


Nomadic village
Projet sources et ressources de tadlachance
à Pavlikeni en Bulgarie du 20 au 30 août 2009


NOMADIC VILLAGE


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GERARD TRAQUANDI - GALERIE LAURENT GODIN



Gérard Traquandi, Sans titre - 2009, 230 x 160 cm, Huile sur toile Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris Gérard Traquandi, Sans titre - 2009, 230 x 160 cm, Huile sur toile Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris


Gérard Traquandi
par Xavier Girard



Dessins, peintures, photographies, aventures céramistiques, interventions dans l´espace architectural, rêves de fresque : les manières de faire de Traquandi sont diverses. Pourtant, les terrains où il s´avance ne ressemblent guère à ceux de la tradition humaniste de l´artiste à tout faire ou de l´addiction de l´art contemporain pour la pluralité des médiums. Leur mobilité expérimentale est d´un autre ordre. En s´essayant à plusieurs programmes d´action il ne cherche ni à couvrir la totalité d´un territoire ni à faire acte novateur. Son objet consiste au contraire, dirait-on, à continuer à faire œuvre de peintre avec une détermination d´autant plus grande que la peinture, lui semble-t-il, s´éloigne à l´horizon des " rites perdus " de la modernité. L´exposition d´œuvres sur papier et de toiles récentes réalisées par empreintes au côté de grandes images dont le procédé de photogravure très particulier évoque le bitume de Judée des premiers temps de la photographie et la boite à aquatinte des graveurs du grand siècle, met surtout en évidence des similitudes discrètes qui appellent pour être vues un temps d´accommodation et le bon fauteuil matissien. Un même vœu s´y révèle, qui rapproche des modes opératoires pourtant très différents. L´empreinte, comme la photographie, comme les hauts " dessins de taches ", signale d´abord une forme d´allègement paradoxal. Elle signe chez Traquandi le refus du gestuel " artiste ", ses automatismes d´auteur, une certaine mémoire de la main, un touché aisément reconnaissable et cette sorte de métier inconscient dont le peintre cherche à se défaire, pas complètement peut-être, puisque les évènements de la forme qu´il dépose sur la toile, à l´aide d´un subjectile-transfert trouvent place dans un milieu coloré monochrome - gris, gris bleu ou gris vert, brun violine ou virescent - qui leur fait fond avec la même autorité et le même aplomb, la même égalité que le geste initial et sollicitent une compétence technique non moins spécifique que celle du tableau.


Gérard Traquandi, Sans titre - 2009, 230 x 160 cm, Huile sur toile Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris
Gérard Traquandi, Sans titre - 2009, 230 x 160 cm,Huile sur toile Courtesy Galerie Laurent Godin, Paris

Ce qui fascine Traquandi dans l´empreinte photographique comme dans le procédé qui consiste à reverser une peinture dans une autre pour la faire " prendre " autrement, n´est pas tant la " perte de l´origine " que la relance d´une forme originaire qu´on a tenté de perdre et qui est revenue imperceptiblement à la surface par contact, un contact par devers d´une délicatesse obstinée et presque polémique au contraire du caractère " rudimentaire " et violemment " primitif " traditionnellement attribué à l´empreinte. Ce qui motive le processus n´est pas l´automation du geste de report mais le voltigeant rebond pictural d´une action exactement séquencée, dans laquelle le peintre a littéralement espacé le tableau, mais la légère instabilité aérienne de la forme colorée qui, mise ainsi à distance, revient battre à la surface comme une ombre sur un mur ou les aires colorés d´une fresque suspendue entre deux traces argentées ; mais ce pollen lointain et volatil à peine saisi par la surface tout à la fois liquide et lumineuse dans la vibration immobile du tableau. Peintre de nuages mais aussi de fleurs et de blocs rocheux, Traquandi saisit dans le geste de l´empreinte l´apparition et la disparition mêlées d´une peinture latente. Les arbres qu´il photographie sont moins des espèces végétales que l´avant-pays des reversed images de Talbot, ces dessins névralgiques qui filigranent la surface de leur accroissement ramifié et dont il aime suivre le lent processus simultané de saisie, d´évanescence et de dissémination euphorique sur toute la surface, comme à la naissance de la peinture, la liaison archaïque du monde de la forêt et de la volupté.



Xavier Girard


Gérard Traquandi
du 12 septembre au 17 octobre 2009
Galerie Laurent Godin
5, rue du grenier Saint Lazare, 75003 Paris
du lundi au samedi de 11h à 19h
Tèl : 01 42 71 10 66
www.laurentgodin.com info@laurentgodin.com


GERARD TRAQUANDI - GALERIE LAURENT GODIN


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CORINNE MARCHETTI - GALERIE PORTE AVION


Corine Marchetti,
Corine Marchetti, " Duplex ", 2009


Corinne Marchetti
par Xavier Girard


De Corinne Marchetti, fan je suis de ses dessins faussement allumés, de ses travaux d´aiguille, fan aussi de ses portraits les yeux fermés, découverts chez Laurent Godin, un jour de 2006, et des petits ouvrages façon Cobra qu´il m´arrive de voir ici et là. J´aime ses airs de petite fille sage, la diablerie idiote de son personnage d´innocente bambine prête à mordre, son côté groupie déjantée, artiste " à la ramasse ", cartoon d´enfer, acid test, broderie sauvage et le " mauvais genre " réconfortant de sa petite entreprise. Sa fascination pour la BD, ses aventures picaresques à Disneyland, valent bien me dis-je, la lecture de Leroi-Gourhan et de Maurice Blanchot dont ma génération a fait si grand usage. Mais me dis-je aussi : tout ceci n´est pas si loin de la mémoire des gestes de l´un et de la métaphysique sérieuse du second. Son dessin à l´aveugle de la trombine des stars est une bonne manière faite aux Mythologies de Barthes et aux ouvrages de Christian Metz et de Baudrillard qui pavoisaient nos chambres d´étudiant. Il y est question d´une image aussi invisible, aussi subliminale que celle du " jardin d´hiver ". Je pense aussi au portrait à l´aveugle de Rabelais par Matisse. Toutes ces horribles caricatures à la Kafka sont à l´évidence de la plus grande vérité, plus grande en tout état de cause que la photo non retouchée que l´on veut ces temps-ci déclarer par la loi vraie icône, label national dûment étiqueté en légende. J´aime lire ses dialogues à la niaiserie hydratante brodés au petit point dessus des petits couples. L´esthétique Courtney Love de l´opération me ravit. Tout ceci est cousu de fil blanc, mais avec une incertitude quant au fil utilisé qui m´enchante assez.


Corine Marchetti,
Corine Marchetti, " une fois, au paradis, Pina Baush rencontre Michael Jackson ", 2009

On se souvient de sa Catherine Deneuve à moitié tétanisée en petite fille façon Jake et Dinos Chapman et de Jarvis Cocker, les lunettes en forme de phares déglingués, on se souvient des frisottis rastaquouères de Vincent Gallo, de l´allure médiumnique efficace et cassée de la chose. On se souvient encore des grands méchants dessins de petites filles nabokoviennes exposés à la Centrale électrique (Bruxelles) en 2007, le gimmick des postures et l´espèce de " perversité " truquée de l´ensemble : m´avaient frappé les plis du papier formés par les grandes pages blanches, appareil de capture du système nerveux des nymphettes à la gaucherie un peu roide. Et ses trois idiotes sur leur tabouret en bonnet de ski à gros yeux de Méduse, nattées et fringuées comme des images de catalogue de vente par correspondance : les Trois Parques ne font pas mieux. Mais je me suis bien gardé d´offrir à mes filles les Poupées Corinne Marchetti super-héros que diffuse Vilac, de peur de les retrouver épinglées un matin au dessus du lavabo et mes filles en lévitation périscopique au-dessus de leur play-station survoltée. Son " garçon un peu dangereux " me tire des larmes et son " Super Eric " me donne des pincements de bonheur. Bref, disons que j´ai l´impression de voir un petit peu où Corinne Marchetti, depuis un certain temps veut en venir. La " stupidité " apparente de son projet ne m´a pas échappé et je me propose un jour d´écrire sur l´espèce de beauté qui jaillit de ses dessins de célébrités et de ses petits ouvrages de dame, comme une giclée de lucidité au dessus d´un plat de soupe aux pois en regardant Jean Rochefort à la télé. Ses figurines de 2007, chez Laurent Godin me laissent davantage perplexe et le dialogue post mortem par croutes interposées de Michael Jackson (Alors Pina ?) et de Pina Bausch (Rien Michael ?) aussi. Pourquoi Corinne ? Parce que les céramiques et les peintures de cette dernière expo, comme celles présentées chez Godin l´an dernier sont décidemment trop moches ? Parce qu´elles me font penser à un Johan Creten fille ? Aux céramiques des fêtes des mères ? Aux crèches ? Aux jardins miniatures de ma concierge ? A ma voyante ? Aux nains de jardin ? Aux Magots ? Aux reliquaires ? Je ne sais pas. Ou bien parce que le maléfice de la poupée maudite a commencé à agir ? Peut-être bien. Ou bien encore est-ce parce qu´elles me font voir avec un peu trop d´insistance, cette fois, ma propre stupidité ?



Xavier Girard


Corinne Marchetti
" Scoop "
du 11 septembre au 17 octobre 2009

Galerie Porte Avion
96, bd de la libération, 13004 Marseille
ouvert du mardi au samedi de 15h à 19h
Tèl : 04 91 33 52 00
www.galerieporteavion.org
la galerie est membre du réseau Marseille Expos


CORINNE MARCHETTI - GALERIE PORTE AVION


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GILLES BARBIER : DE DROLE D'OBJETS AU RAS DE LA REALITE



Gilles Barbier,
Gilles Barbier, " La Patinoire ", 2009, technique mixte, Photo Françoise Keen


De drôles d´objets au ras de la réalité


Certes, mais il et vrai que les objets sont construits sur ou avec des traces, qu´on déconstruit pour qu´il ne reste que des traces, et qu´on les reconstruit avec ces traces, les leurs et les leurres.
La vie et spécialement celle des musées est un espace plutôt glissant, il est sans doute bon de le rappeler à ceux qui s´y aventureraient d´un pas trop assuré, ignorant des trajectoires sophistiquées des expérimentés qui surfent sur les concepts et dévalent les changements de modes esthétiques les plus abrupts.
Démunis de la virtuosité des adeptes du virtuel ils risquent de piétiner des sculptures plates ou pire encore de s´enliser jusqu´à l´asphyxie dans des installations molles. Car on ne joue pas sans risque avec les règles de la représentation et plus d´un esprit mesuré s´est laissé emporter par le flux, l´avalanche des propositions contradictoires auxquelles il ne savait pas parer par la fluidité d´un jugement opportun et adapté par sa tolérance à l´inconsistant.
La patinoire de Gilles Barbier est un terrain d´expérience où l´on peut s´entraïner et se risquer dans le voisinage du possible afin d´en vérifier l´exigence qui n´exclut pas la banalité ni l´extravagance mais affirme plutôt leur combinaison.
Si les tropes sont des glissements de sens répertoriés, l´aventure commence au-delà de la glissade, sur les traces qui sont à coup sûr des erreurs au moins momentanées.
La volonté de provoquer par la trivialité, plutôt branchée, qui n´est pas sans rappeler les zutistes d´avant Dada et qui se situerait dans la poursuite des avant-gardes tout en les niant dans le dépassement ; par exemple en n´hésitant pas à en faire un peu trop et flirter avec les limites de la bienséance non seulement dans les actes, mais plus radicalement encore dans le discours, marque certainement le détachement. Inévitable, et paradoxal indice de la liberté d´être, dans la mesure où l´être est, comme aurait dit Christophe Tarkos, empêtré dans le discours de l´autre, celui qui a du sens, jusqu´à mi-cuisse.
Ne faut-il qu´il y ait des propositions fausses en tant qu´états de choses irréalisés ?
" La réalité n´est rien d´autre que sa constitution même "*
La patinoire semble marquer une pause avant la constitution de l´objet en étant


Gilles Barbier,
Gilles Barbier, " La Patinoire ", détail

A une époque où l´une des tendances dominantes de la pratique artistique est de faire des objets il peut être salutaire de montrer comment ça se fait et aussi comment ça se râte : un pseudo-objet, l´objet traité sur le mode du film d´horreur, un objet Jekyll et Hyde au comportement incertain. D´ailleurs c´est ce que sont souvent les objets qui font exprès de tomber ou de couper quand il ne faut pas et si l´on descend les sculptures de leur piédestal elles sont capables d´en faire autant comme les totems qui peuvent facilement devenir des serial killers.
A force de construire des objets, consciemment, comme le font les artistes qui testent le logos, on peut imaginer un raz le bol et le désir de s´arrêter juste avant de faire un du divers.
La patinoire détermine un site ontologique avec une population de cochonneries et un axiome : ça glisse.
Sur la surface d´opaline où les traces se succèdent comme des impressions sensibles sur le miroir du langage on a l´impression que pourrait s´y constituer un énoncé, qu´il n´en faudrait pas beaucoup plus, mais qu´on s´arrête justement avant l´intervention des règles, juste avant de construire ou de constituer. Qu´il s´agir de rester dans le bonheur de l´inconstitué et de l´inconsistant, même pas du possible mais seulement du survenu.
Passé ce stade l´énoncé qui constitue l´objet est inévitablement soumis aux règles du discours, c´est de lui qu´il tient sa consistance et c´est d´un ennui !


* " Le Perçu " François WAHL, éditions Fayard



JF Meyer


Gilles Barbier
La patinoire
du 26 juin au 18 octobre 2009
Commissariat : Eric Mangion

Villa Arson - Galerie Carrée -
Centre national d´art contemporain
20 avenue Stephen Liégeard, 06105 Nice Cedex 2
Tel : 04 92 07 73 73
entrée libre - ouvert tous les jours sauf le mardi
cnac@villa-arson.org
www.villa-arson.org


GILLES BARBIER : DE DROLE D'OBJETS AU RAS DE LA REALITE


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CCI - DEUXIEME CONCOURS ARTISTIQUE



Colas Baillieul, Bureau :
Colas Baillieul, Bureau :" Uva da tavola ", le bureau du marché et de la culture, H 70 cm, L 180 cm, Larg.70 cm
Tabourets : "etelvina", "conrado", "citroluz", "ricafrut", photo Dominik Barbier. octobre 2007



Deuxième concours artistique
Chambre de Commerce et d´Industrie
Marseille, septembre 2009


Depuis 2008 la Chambre de Commerce et d´Industrie organise un concours artistique qui mérite qu´on y prête attention, quand on est artiste bien sûr, car il est doté d´un prix de 30 000 euros - ce qui le place parmi les mieux dotés en France comme le rappelait Gérard Traquandi, président du jury (son sourire lorsqu´on lui donne du " président ! ") et héraut inspiré de l´opération de rénovation de la politique artistique de la Chambre - mais aussi quand on s´intéresse à la création et à son sort dans la région. Il convient à cet égard de saluer la décision de la CCI de revoir ses priorités. Pour donner une réelle cohérence à sa collection, qui compte 80 000 ouvrages, près de 12 000 estampes, tableaux, objets, sculptures, œuvres sur papier, mais aussi 100 000 photographies et un fonds exceptionnel de 4 000 affiches de pub, la CCI a commencé par faire un peu d´ordre dans ses réserves et à mettre aux enchères (en mai 2008) les œuvres qui n´y avaient plus leur place. Elle y a été invitée par les membres du jury parmi lesquels, le monde de l´art reconnaitra les noms de Josée Gensollen, Eric Chaveau, Françoise Guichon et Michèle Sylvander, conviés à donner aux nouvelles destinées de l´action de mécénat de l´institution une véritable ligne de conduite. La difficulté de l´exercice, on l´imagine, fut, comme l´an dernier de concilier l´exigence artistique et le cahier des charges fixé par la vénérable institution. Celle-ci se montrant soucieuse de donner au prix une dimension régionale (seuls les artistes de l´aire Aix-Marseille-Toulon-Arles et de ses environs étaient invités, cette année encore, à concourir) et une thématique qui fut en relation avec l´économie, les candidats étaient donc pressés de présenter des œuvres dont le sujet devait être " la représentation du monde du travail ". Mais l´époque n´étant plus celle du Comité des forges et de la Confédération générale de la production française, quand les industries du fer, de l´acier, les automobiles et les produits chimiques étaient donnés pour thème aux peintres de la République, comme l´électricité à Raoul Dufy, ni celle d´August Sander, encore fallait-il préciser ce qu´on devait entendre par " économie ". Celle-ci comprenait donc, selon les organisateurs : " les nouvelles technologies, les réalisations collectives, publiques ou privées, le patrimoine économique et culturel, les secteurs du commerce, de l´industrie, des transports et des services, le tourisme et l´aménagement du territoire ", liste un rien baroque (n´avait-on rien oublié, vraiment ?), vaste panorama qui ne dût pas manquer de soulever quelques questions. Pour ajouter au dilemme, il était entendu que : " les artistes devraient soumettre une œuvre répondant aux critères d´originalité, d´esthétique et d´innovation tout en conservant de manière plus ou moins abstraite (délicieuse précision qui dût intriguer plus d´un) une vision de l´économie régionale " Les termes du concours considéraient ainsi comme " plus ou moins " résolue la quadrature de l´autonomie esthétique de l´œuvre et de son assujettissement - fut-il " plus ou moins abstrait " - aux prescriptions d´un thème économique et industriel. Il convenait donc à la fois de s´inscrire dans la tradition des Chambres de commerce, quand celles-ci commandaient aux peintres et sculpteurs de la Troisième République triomphante des allégories destinées à célébrer en d´énormes machines les effets positifs de sa bonne gouvernance commerciale et industrielle. Dans le hall de la CCI de Marseille un immense tableau de Marcel Poggioli (l´un des meilleurs du peintre à mon point de vue) réalisé au début des années Trente et figurant les bateaux à quai sur le port de Marseille (admirable Rosengart bleue charron de 1928!) montre le genre de commande auquel on sacrifiait alors. J´imagine le casse-tête du jury, partagé entre le cahier des charges de la tradition - qui explique peut-être dans sa sélection 2009 la présence de la peinture de Challan Belval intitulée La Joliette, à qui aurait pu être passé commande d´une peinture intitulée : La Rénovation des Docks de Marseille ou La grande vitrine de l´excellent Pierre Chanoine, promu peintre de la chapellerie marseillaise et des derniers tailleurs marseillais. J´imagine les débats relatifs à la notion d´ " économie " et de " monde du travail " tels que les artistes de la région Marseille Provence la conçoivent aujourd´hui. Le sujet mériterait certainement réflexion. Fallait-il seulement " représenter " ? Ou bien pouvait-on proposer des films, vidéo, performances et installations qui se donneraient pour thème de traiter de la réalité de l´économie régionale à travers ses acteurs, leur quotidien, leurs point de vue sur le sujet, leur condition de travail, leurs revendications, etc., au risque de bousculer l´institution ? N´était-ce pas l´occasion de solliciter des artistes qui ont fait œuvre avec des industriels, comme Corinne Marchetti ou Sophie Menuet et tant d´autres ?


Pierre Chanoine,
Pierre Chanoine, " Grande vitrine I ", huile sur toile, diptyque, 190x240 cm , 2006

Je serais tenté de penser que celui qui répondait le mieux aux critères de la CCI, du point de vue de l´économie était Colas Baillieul (qui n´a pas eu de prix). Ses cagettes récupérées ne font-elles pas l´éloge d´une économie de la récup ? Ne sont-elles pas un bon exemple des solutions alternatives au traitement des déchets dans une ville que les employés du nettoyage ont à cœur de submerger avec méthode et persévérance d´une montagne d´ordures éparses ? Je suis moins convaincu en revanche par les petites répliques en carton ondulé à l´échelle 1 des outils, caisses palettes et transpalettes du monde du travail, industrieusement fabriquées par Sylvie Reno (à qui un prix fut attribué), elles me font trop songer aux laborieuses copies censées me révéler les mystères du réel et de sa représentation que l´art contemporain a infligé à des générations de sémiologues en herbe. Au reste, leur économie d´œuvre d´art n´est nullement bouleversante, contrairement aux perspectives ouvertes par Colas Baillieul en temps de crise. Il en va de même de Laurent Perbos et de ses Dragibus en verre soufflé dépoli. Eut-il conçu des bonbons Haribo géants à la gloire de l´entreprise marseillaise que son entreprise aurait été plus convaincante? Pour rendre hommage à l´inventeur anonyme (qu´il soit ici remercié) de Masque noir, Cocobat, Haribat, Maoam, Happy Chews, lampion, Floppy, requins, mini hamburger, crocodiles, schtroumpfs assortis et autres Fraises tagada du roi de la barquette hermétique, il eut fallu sans doute un peu plus d´humour et d´esprit critique. Primé lui aussi pour une idée tout aussi mince et impeccablement réalisée - mais cela ne produit rien d´autre que de jolis objets d´art décoratif - que celle avancée par Sylvie Reno.
Il ne reste pas moins vrai, en dépit qu´on en ait, que le prix de la CCI 2009 était réjouissant, par le ton général de la sélection, le monde de l´art venu à la remise des prix, et par les questions relatives à son thème qu´il ne manquait pas de poser. Je voudrais néanmoins suggérer aux organisateurs pour leur édition 2010 d´élargir le champ de la sélection au-delà de la région et à donner à la question une formulation qui dépasserait le traditionnel schéma thème/représentation (comme a cherché à le faire la Fondation d´entreprise Ricard et le Rapport sur l´économie créative, 2008) et surtout davantage en relation avec ce que nombre d´artistes contemporains se sont donné pour terrain d´investigation : interroger de nouvelles façons de penser et de concevoir l´économie de l´œuvre d´art et la posture de l´artiste dans la société contemporaine.

Le Jury officiel, présidé par Gérard Traquandi avec Colette Barbier, Jean-François Brando, Corinne Brenet, Eric Chaveau, Françoise Guichon, Josée Gensollen, Jacques Pfister, Michèle Sylvander

Les oeuvres des 14 artistes retenus :
La Actual, Mifer Genesis et Los Rapidos, Citroluz, Mifer, Compliments, Conrado Ricafruit, Colonne Brancusi, Colas BAILLIEUL / 2´52, Anne BARROIL et Marie-Anne HAUTH / Et la mer profonde et bleue, Hervé BERNARD / Naufrage, Maxime BERTHOU & Cathy WEYDERS / La Joliette, Caroline CHALLAN BELVAL / Grande Vitrine I, Pierre CHANOINE / Bouillon de culture, Benjamin CHASSELON / Horizon 67/69/70 Fos, Marc CHOSTAKOFF / Miroir 8-bits, Collectif DARDEX-MORT2FAIM / Tour CGM vue de la rue Breteuil, Eliane FABRE / Dragibus, Laurent PERBOS / Stock Exchange, Sylvie RENO / Made in China, Isabelle ROCHE MARS / Watertanks n°7, 9 et 12, Lionel SCOCCIMARO



Xavier Girard


2ème Concours artistique de la CCIMP
au Palais de la Bourse
à partir du 25 septembre 2009


CCI - DEUXIEME CONCOURS ARTISTIQUE


SOMMAIRE

Poëme pas-sage



sans titre, photographie
"Innocent III", (lotario Conti) Des Comtes de Segni Gavignano 1160 - Peruggia 1216


Poëme pas-sage


Pour son exposition " Blaine au Mac un Tri ", le poète s´est prêté à un entretien sur son travail. Passeur de langues, d´écritures, de cultures, Julien Blaine mélange les pratiques, brouille les frontières et les temps. Sorcier nomade, il sort la poésie du livre pour ouvrir, initier le spectateur à une poésie qui est passage, expérience, rituel.

Sandra Raguenet : Poésie concrète, visuelle, action, totale, élémentaire sont autant de qualificatifs qui indiquent ton terrain d´action, l´exigence de sortir de la poésie textuelle. Poésie élémentaire, c´est toi qui a inventé ce vocable. A quelle nécessité a répondu cette invention ?

Julien Blaine : A la fin des années 50, je me vis seul à faire ce type de poésie. Il y en a d´autres mais je ne le sais pas encore, donc je me trouve confronté à des poètes anciens comme Cummings, Apollinaire, Mallarmé et je me sens obligé de rebâtir ma propre histoire, de m´inventer des antécédents. Mes pères seront mes fils ! Je veux (dé)montrer que je ne sors pas de rien, que je travaille selon une histoire de la littérature. Quand je rebâtis cette histoire, je m´aperçois qu´existe un mouvement mondial, la poésie concrète qui est née en Suisse avec Eugen Gomringer, et qui s´est développée au Brésil avec les frères De Campos et Decio Pignatari et en Allemagne autour de Max Bense. Les pays qui étaient de l´autre côté du rideau de fer étaient aussi très vivants avec des poètes comme Kachack, Kolar et celui qui deviendra Président de la République : Havel. Je me sens proche de ces poètes mais le jeu concret-concret avec simple titillement de rétine me gêne. Bien que je sois dans ces anthologies de poésie concrète avec mes amis Jean-François Bory ou Adriano Spatola, cela ne me satisfait pas. Je découvre qu´il y a en Italie un autre grand mouvement autour de la poésie visive d´Eugenio Miccini, Sarenco, Ugo Carrega... Là, se passe vraiment quelque chose qui m´intéresse avec Nanni Balestrini qui vient des Novissimi, Adriano Spatola qui vient de la poésie concrète, Sarenco de la poésie action et visive. C´est l´époque où il y avait un tel totalitarisme avec Tel Quel, " la poésie c´est ça et rien d´autre ", ce sont eux, soi disant, l´avant-garde ou alors tu as Change avec Jean-Pierre Faye et tous ceux qui l´entourent... Intérêt limité sauf Denis Roche que j´apprécie par ailleurs. Par rapport à cette espèce d´hégémonie, j´ai besoin d´une épithète. Je n´ai pas envie non plus d´être confondu avec la poésie visive ou concrète. Cette poésie de détournement des messages publicitaires et des slogans politiques me plaït mais c´est insuffisant pour moi. D´un coup, je trouve ce mot " élémentaire " qui m´a bouleversé parce que je le trouve très beau, très juste. A la fois je joue sur les éléments, y compris toute la métaphysique que tu peux admettre dans les éléments, tout le rituel, la spiritualité, notamment les ritualités premières, je joue sur tout le côté alchimique et sur le côté apprentissage. Je ne suis pas en cours supérieur. On commence. C´est plus le cours préparatoire mais on n´est pas encore dans le cours supérieur ni en section ou phase terminale. Donc cette épithète me convient très bien et je commence tout de suite à travailler sur ces deux mots. Je rassemble tous les poètes de ce genre à travers le monde sous les termes " poésie matérielle et élémentaire " pour montrer qu´il y avait un autre courant possible par rapport à la poésie concrète ou celle des beaux messieurs du gotha du ghetto culturel made in quartier Saint-Germain. Il faut savoir aussi qu´à cette époque là l´hégémonie marxiste-léniniste est aussi très importante. Je voulais donc avoir ces deux épithètes. Après " matérielle " a disparu ; il y a des mots qui restent, des mots qui s´en vont. Ma poésie élémentaire dès 62 est très impliquée par le corps, la voix, la gestualité, comment je bouge, comment je lis et puis, petit à petit, on s´aperçoit que la poésie du quartier latin qui était hégémonique, devient sclérosée, fermée, recroquevillée et moi je n´ai plus besoin d´épithète, c´est eux maintenant qui en ont besoin.
Il faut bien voir alors le bouleversement représenté par l´exposition " Poésure & Peintrie " que j´ai réalisée et organisée avec Bernard Blistène et une ribambelle de commissaires, conservateurs, curateurs et autres critiques. Ce que je veux montrer alors c´est que tout l´art du XXe siècle est à l´origine la seule fabrication des poètes. Il n´y en a pas d´autres. Pour le futurisme ça se voit très bien parce que Marinetti est une grande gueule, parce que les Russes, les Khlebnikov, les Maïakovski, y compris dans sa mort, sont des types remarquables. Derrière, arrivent ces Dada, des fous furieux qui sont toujours issus d´une source poétique. Après c´est le surréalisme avec Breton, impérial, ce n´est pas le meilleur mais à l´intérieur il y a des courants géniaux avec, par exemple, Antonin Artaud, notre cher compatriote, ou Benjamin Péret. Puis il y a un moment de flottement avec le retour de la poésie poétisante jusqu´à ce que Cobra (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) arrive : la force, le cri avec Christian Dotremont qui fait, entre autres des logogrammes en pissant sur la neige. Donc là, une nouvelle force arrive et on peut attaquer : Bernard Heidseick avec les Poèmes-partitions, moi avec la poésie élémentaire puis la poésie événementielle qui s´impose tout autour du monde avec le mot performance.


Julien Blaine, photo de Sandra Ragenet


SR : Tu ménages également des passages entre tes pratiques. Je pense notamment à ta célèbre performance La chute transformée en " Chute typographiée ".

JB : Toujours. C´est aussi un acte spectaculaire mais surtout, comme l´a dit Alain Frontier, c´est la première métaphore incarnée. On part d´une action qui devient un mot, la chute devient " chut ". C´est ce qui m´intéresse, tantôt en amont, comme pour les musiciens avec leur partition, tantôt en aval où je me dis qu´il faudrait que je précise ce que j´ai voulu faire. Après tu es libre de voir autre chose, c´est ce qui est intéressant. Chez moi, le résidu est toujours très déterminant. Ce résidu étant ce qui reste une fois la performance finie. J´expose des restes (mon costard, mes chaussures trouées, etc.) ou j´écris trois lignes pour dire que cette phrase là ne signifie rien, qu´il n´y en a pas d´autres et ce côté " vous voyez bien que cet escalier est une page de livre avec des caractères, des espaces et des lignes écrites : des mots " et là, tu vois le rapport entre le silence, la page écrite ornée du monument colonial. Et à partir de là, tu peux recommencer l´histoire. Dans la plupart de mes performances, j´ai écrit un texte avant de commencer qui n´est pas le texte définitif et qui se modifie au moment de la performance puis une fois encore au moment de la publication.
Quand je fais L´appel au linge, c´est pour me mettre à poil sur une place publique. La première fois, c´était à Mantoue. Je me déshabille, je me mets des pinces à linge un peu partout pour montrer que c´est l´homme qui devient linge. Je mets toutes mes tuniques, ma tunique du vocabulaire : signes chinois et lettres latines, celle d´Arlequin : losanges multicolores, de la musique : notations musicales. Je les endosse comme les voiles du magicien et je raconte que l´histoire de l´art, de l´origine jusqu´à nos jours, c´est toujours l´histoire du drapé. Tu prends Christo, Beuys ou César pour prendre les exemples de l´art contemporain, mais si tu peux prendre les scribes égyptiens, les statues grecques, romaines, les pinacothèques avec leurs belles saintes, tu t´aperçois que c´est toujours une histoire du drapé. Et tout à coup dans ma tête ça sonne parce que le premier drap et le dernier drap, c´est le lange et le linceul : " lange et linceul, l´ange et linceul, l´un seul, l´ange et l´un seul ". On dit : " c´est un gueulard ". Même si j´écris peu de mots, je ne peux pas travailler dans une autre langue que le français. Là tu vois la partition, l´origine, le passage au corps, à la voix, à la gestualité et le résidu transformé que je redonne. Ça veut dire aussi qu´il y a toujours un état d´éveil, tu ne dors jamais vraiment, il y a toujours quelque chose qui tourne au milieu du crâne.

SR : Dans tes diverses pratiques les mots et les choses s´interpénètrent. Il n´y a pas d´un côté l´art, de l´autre la vie bien que leur rapport ne soit pas si simple puisque le poète doit " pénétrer par effraction " dans le monde. La dimension politique est aussi toujours présente.

JB : A ce que tu dis là je ne peux rien ajouter sauf qu´il y a un côté démonstratif, le mot est vulgaire mais il faut quand même dire, déduire des choses. Quelle que soit la simplicité de ce que j´ai à dire, il y a des choses qu´il faut savoir. Pourquoi vit-on dans une telle barbarie à la fin du XXe siècle et maintenant au début du XXIe ? Pourquoi il y a une hégémonie américaine avec Bush et maintenant - quoi qu´on en pense - avec Obama ? Pourquoi Monsieur Poutine, à peine élu patron de l´ex Union Soviétique, devient un pratiquant orthodoxe ? Pourquoi la grande guerre entre la Palestine et Israël devient une guerre entre deux monothéistes ? Il faut savoir qu´on fait partie de l´humanité. On est vieux de 90 000 mille ans et ça fait 6 000 ans qu´ils nous font chier. Ce sont eux qui font la guerre au nom de leur Dieu. Ce sont eux qui massacrent des populations parce qu´elles ne croient pas en ce même Dieu, nous avons d´autres spiritualités, beaucoup plus belles. C´est d´une simplicité incroyable mais tu ne peux pas le comprendre parce que ce n´est pas repris par les media, parce qu´ils appartiennent tous au pouvoir, parce qu´ils sont tous dans cette perspective là : monothéiste !

SR : Ta poésie élémentaire rejoindrait alors l´image que Walter Benjamin donnait de l´histoire. Si pour Marx " les révolutions sont les locomotives de l´histoire ", pour Benjamin, c´est " l´action de saisir le frein du genre humain voyageant dans ce train ". Cette image semble proche du message adressé par l´enseigne qui ouvre ton exposition : Il est encore temps de rebrousser chemin.

JB : Moi c´est plus modeste, c´est plus simple. Je m´adresse aux visiteurs de l´expo pour leur dire : " Si vous avez autre chose à faire, c´est peut-être plus simple d´aller vous baigner mais si vous rentrez, j´ai des choses à vous dire ". On sait à peu près dans quel univers on va plonger. Ce n´est pas pour rien que dans cette exposition, il y a une référence dès l´entrée à Reagan, à Poutine, à Bush. Dans les monothéismes, je n´ai pas de préférence. Ce qui se passe en Afghanistan et au Pakistan, c´est quand même une guerre coloniale ! Que ce soient les évangélistes américains qui gouvernent le pays, ou les catholiques romains en Europe, ou l´état juif colon en Israël ce n´est pas mieux que les intégristes musulmans ; pire le plus souvent. Donc c´est vrai que je rentre par effraction mais j´y suis bien. C´est une dimension qu´on ne soupçonne jamais. Quand je fais une performance en fonction de moi, comment je vis, comment je suis, j´aime être, au bout d´un moment je me sens bien. De la même façon, le rapport à l´autre ce n´est pas que le rapport au lecteur. Là, tu vois comment l´autre se place par rapport à toi et comment tu te places par rapport à lui. Quand tu rentres dans ce dialogue et qu´il s´établit, que ça se passe, c´est absolument euphorique.

SR : Il est toujours temps de rebrousser chemin contient aussi une dimension ironique.

JB : Ce n´est pas ironique. Je me sens toujours illégitime. Je crois que ce n´est jamais pour une bonne raison que je suis à telle ou telle place. Quelque part, je ne suis pas à ma place et c´est très frustrant. Ce que je mets là c´est de la modestie, l´aveu d´un handicap, pas de l´ironie.

SR : Cette ironie, on la sent pourtant. Il est toujours temps de rebrousser chemin semble indiquer la nécessité d´un retour à l´originel...

JB : Bien sûr dans le cadre de la totalité de mon travail et non quand je parle de l´exposition comme je viens de le faire. Par rapport à l´hégémonie monothéiste, par rapport à cette histoire contemporaine de 6 000 ans, leur Dieu dure depuis 6 000 ans. En effet il est temps de rebrousser chemin, de se rappeler qu´il y a eu quelque chose avant, le rapport à la nature, à l´art. C´est encore flagrant en ce moment. Si tu considères les verts avec leurs idées, ils se targuent d´écologie, de rapport à la nature. Qu´ils aillent jusqu´au bout de leur idée ! La première chose à faire pour être vraiment écologiste, c´est de balancer les monothéismes, de les rejeter et de les condamner définitivement et radicalement, sinon cela reste un pauvre discours politique ; ils devraient avoir le courage de le proclamer mais en but d´un " succès ", c´est trop dangereux donc il vaut mieux dire on va faire une taxe sur le carbone.


sans titre, photographie
photo de Sandra Ragenet

SR : " Il vocifère, il faut s´y faire ". C´est ainsi que tu dresses ton autoportrait. Des performances aux déclaractions, le Cri est une composante essentielle de ta poésie. Quel est son pouvoir ?

JB : Ce qui est formidable, c´est qu´on atteint la même force universelle qu´avec la musique. Ce qui ne veut pas dire que je n´ai rien à dire. Il parle français, " il vocifère, il faut s´y faire ", c´est intraduisible. Mais je me dis, j´aimerais vraiment entrer en contact avec cet africain, ce Bamiléké avec qui j´ai travaillé, cet Indien que j´ai connu au nord du Québec. Comment je lui parle ? Je ne connais pas sa langue, il ne connaït pas la mienne. Il y a trois façons. Si je parle doucement, il sait que c´est intime : je murmure. Si je parle avec un volume sonore moyen, il sait que j´ai des choses à lui dire : je parle mais il ne va pas pouvoir me comprendre alors : je hurle. Et avec le cri tout se dit, tout s´entend et se comprend...
On me dit tout le temps : " Mais qu´est-ce que vous avez à être tout le temps en colère ? ". C´est vrai que je suis en colère mais quand tu vois comment est ce monde ! Là, je reviens de Palestine, c´était drôle, là, une palestinienne traduit par un arabe qui me dit, à moi, qui ne vis pas à Ramallah : " Julien, qu´est-ce que vous avez à être en colère ? ". C´est du bonheur absolu. Des expériences comme celle-là, j´en ai vécu beaucoup. Une fois j´étais au festival d´Hiroshima, le festival NIPAF (Nipon International Performance Art Festival). J´avais déjà une certaine réticence par rapport à l´administration américaine... Tu rentres dans le musée de la catastrophe, tu sors de là tu n´es plus intact, tu ne le seras jamais plus. Je ne peux jamais en parler trop longtemps...
Tu vois des petites boucles de cartable, dernier vestige du trajet vers l´école, des petits boutons qui restent de la petite vareuse, puis tu passes d´un coup devant un mur avec trois marches. Tu passes une fois, deux fois, tu ne comprends pas pourquoi on expose là un pan de mur avec un morceau d´escalier. Et la troisième fois tu vois l´ombre d´un couple qui s´enlace, qui est en train de s´embrasser et que la déflagration de la bombe a fait disparaïtre en imprimant leur image, leur ombre pour toujours. Le soir je fais un tch´i (Qi), j´essaie de retrouver l´énergie pure pour gueuler et dans la rage je lance un cri. J´étais dans un état inimaginable. Une violence absolue. Une haine intégrale. Et là une petite japonaise descend avec sa grande sœur. La petite émet des sons que je ne comprends pas et je réponds : " je suis désolé, je ne parle pas japonais ". La grande me dit alors : " Elle ne parle pas en japonais, elle est sourde et muette mais elle voulait vous dire que pour la première fois de sa vie, elle a cru qu´elle avait entendu ". C´est ça le cri. C´est mieux que la musique, cet autre langage universel.


sans titre, photographie
photo de Sandra Ragenet

SR : Poète nomade, avec ta revue Doc(k)s tu as fait le tour du monde pour faire émerger des mouvements méconnus. Tu as également fait (re)découvrir des poésies oubliées voire méprisées comme celles de peuples lointains. Qu´as-tu découvert auprès de ces peuples qui a été perdu, oublié ou qui n´a jamais été entrevu en Europe ?

JB : D´abord le tour du monde. La France est un pays centralisé donc il est très difficile d´avoir une activité poétique, politique, économique ou autre en dehors de Paris. Et pour l´édition de la poésie et la poésie, en dehors du périmètre parisien, je voulais montrer que la poésie du quartier latin ce n´était pas La poésie. Donc je fais le tour du monde pour montrer qu´on parlait d´une autre poésie dans le monde, qu´elle n´était pas négligeable et en plus qu´elle pouvait être utile. Donc je vais faire un tour en Amérique latine, après tous les pays y passent. Chaque fois c´est une aventure. L´Uruguay qui à l´époque était un pays fasciste, la Chine un pays communiste dur et pour sortir les textes c´était toujours compliqué. Je voulais montrer qu´il n´y avait pas une poésie mais des poésies et que cette poésie, la nôtre, qui était invisible, existait.
La deuxième question est plus importante. Ce que je dois à ces peuples ? Ils m´ont refait, ils me gouvernent. Tout part d´un constat, d´une analyse. L´avant-garde est. On sait que tous les grands mouvements poétiques, culturels, artistiques durent deux siècles c´est-à-dire que ces gens ont suffisamment d´ambition pour dire : " on va commencer quelque chose " mais pour vraiment que ça change, il faut deux siècles : la poésie T´ang en Chine dure deux siècles tout comme la Renaissance, ou l´époque des troubadours, ou celle des grands poètes arabes pré islamiques. Nous on fait partie de ce qu´on appelle l´avant-garde donc on est à mi-parcours. Tout commence avec le Livre de Mallarmé. On est un groupe avec tout le parcours, l´histoire des avant-gardes historiques, le futurisme, dada, le bon côté du surréalisme, Cobra, nous, les concrets, les fluxus. Alors je me dis : Chaque fois que j´essaie de retrouver une mémoire, je me transforme en chercheur et je retrouve une mémoire dans le livre. Or, ce que j´essaie, c´est de sortir du livre, ce que je fais c´est par rapport au corps, c´est par rapport à la voix, comment tel cri, tel borborygme, telle gestualité me transforment. Si le cri persévère, si le geste se maintient, au bout d´un moment, je ne suis plus pareil... Mais pourquoi je n´ai pas cette mémoire là ? Donc je commence à me demander pourquoi on a perdu cette mémoire corporelle, vocale, gestuelle, rituelle ; alors je constate : Il y avait des gens comme nous qui avaient cette pratique là, ça s´appelait des sorciers, plus spécialement des sorcières, des mages, des enchanteurs, des chamans et tous ces gens là, parce qu´ils n´étaient pas catholiques, Innocent III le pape de l´inquisition les a tous fait brûler vifs. Cette mémoire là, qui est la mémoire du corps, a donc complètement disparu. Tous les pays chrétiens ou envahis par la chrétienté, et en l´occurrence le catholicisme romain, ont bousillé cette mémoire. Donc moi je dois la rebâtir et pour la rebâtir, il faut que j´aille dans des pays, voyager dans les espaces " Y " (Y être, Y vivre, Y lutter...) où il n´y a pas ces assassins donc j´ai commencé avec des Piaroas grâce à mon ami Jean Monod qui m´a fait traduire les enregistrements où ils chantent leur genèse. J´ai découvert ce rapport magnifique aux animaux, le yopo, une poudre hallucinogène que tu prends dans le pif par le tibia des ancêtres qui te fait partir à toute allure. Après, j´ai travaillé avec les rusés Bamilékés. Ils reçoivent les curés et dès qu´ils ont fini, que les prêtres sont partis les neuf sages retournent dans la forêt refaire leur rite à eux. Et d´un coup, j´ai commencé à voir des trucs qui m´étonnaient. Là, on revient à l´écriture. Je retrouvais un même signe : dans tous les rituels monothéistes, le poisson ou l´œil et dans les rituels premiers, que j´essaie de comprendre, c´est la feuille ou la plume.
Il y a une quinzaine d´années, je vais visiter la petite demoiselle de Brassempouy, dans sa grotte dans les Landes où on a trouvé cette petite demoiselle appelée la femme à la capuche, toute petite en ivoire, une vénus d´une beauté absolue. Maintenant c´est un musée mais à l´époque c´était un hangar avec juste une chaïne et un cadenas. Je vois des dessins de vulve, c´est toujours le même signe c´est-à-dire l´ovale fendu, la plume, l´œil, le poisson, la feuille et la vulve. A ce moment-là, je m´aperçois que dans tout l´aurignacien supérieur, c´est-à-dire le début de l´humanité " traçante ", écrivant, gravant et peignant, ici en Europe entre 60 et 45 mille ans, il y a des vulves partout : dans la grotte Cosquer à Marseille, dans la grotte Chauvet à Montélimar, dans la grotte Cazelles aux Eyzies. Là, tu descends dans de la terre glaise mouillée et toi tu deviens bite. Tu descends dans un vagin, tu arrives dans une matrice magnifique, un utérus sublime, tu regardes au plafond, tu as tout l´intérieur de l´utérus, à droite et à gauche 24 vulves, rien d´autre, et au cas où tu n´aurais pas compris, tu marches dans du liquide amniotique c´est-à-dire que tu as de l´eau tiède jusqu´aux couilles. Donc je suis absolument fasciné par cette histoire. Ce qu´ils m´apprennent ces gens là, c´est ça. A partir de là, je me dis, moi, je n´ai pas trois mille écritures à ma disposition, je travaille sur trois ou quatre langues et quatre ou cinq écritures mais je peux avoir des intuitions. Donc je joue sur l´intuition et chaque année depuis l´an 2000 je fais un cahier pour dire où j´en suis de ce travail là, sur cette rencontre avec les Aurignaciens jusqu´à aujourd´hui, enfin l´aujourd´hui préhistorique, c´est-à-dire les Aziliens, il y a 15 000 ans. Ce qu´on ne voit pas, c´est que la période préhistorique, des Aurignaciens aux Aziliens, s´étale d´environ 60 000 ans à 15 000 ans. Et sur les parois de leur grotte, on a l´impression de voir, de lire les mêmes figures, les mêmes signes. Or, il y a une sacrée différence, plus de 45 000 ans ! Alors qu´entre les Aziliens et Picasso ou toi il y n´y a que 15 mille ans ou 10 mille ans.
Dans 15 000 ou 60 000 ans les humains, s´il en reste, penseront sans doute que les sculptures de scribes égyptiens et celles de Brancusi étaient de même acabit !
J´ai essayé de montrer que le monde pouvait aussi parler comme ça. Comme eux : les aziliens.


sans titre, photographie
photo de Sandra Ragenet


SR : Poète sorcier, tu tords les signes et les relances dans le jeu des formes. Tu jettes aussi un sort aux machines...

JB : En 62, c´est le début du magnétophone. A cette époque, je suis fasciné par l´un des plus beaux textes de la poésie française, le bestiaire d´Apollinaire, avec la carpe, le poulpe, les dromadaires qu´il fait tourner autour d´Orphée. A l´époque, je trouve ça magnifique mais néanmoins un peu mièvre. Ce que je trouve très fort, c´est qu´il illustre ses petits quatrains avec des bois de Dufy qui n´était pas à l´époque le peintre affecté qu´il va devenir. Ses gravures sur bois avec des noirs, des blancs, sont d´une violence, d´une pureté, d´une radicalité féroce qui me bouleverse. Je décide, sous cette influence, de faire mon propre bestiaire avec mes propres animaux, la libellule, la mouette, le rossignol. Je dois trouver une guirlande et puisque c´est un bestiaire, je décide de le faire tourner autour d´une bête plutôt qu´autour d´Orphée. Arrive, alors, le cirque Franchi à Aix-en-Provence. Ma guirlande sera dans le cirque avec ses eacute;léphants. Je prépare ma partition, je vais dans la ménagerie avec mon magnétophone Philips trois vitesses. J´enregistre des questions et j´attends que l´éléphant veuille bien me répondre. Évidemment, il n´en a rien à foutre mais il y a quand même une question où il jette son barrissement à la fin de ma demande. Je rentre chez moi, je joue avec les vitesses du magnétophone et là c´est moi qui deviens inaudible, incompréhensible et l´éléphant parle, lui, par interjection, onomatopées. Je deviens ainsi le premier traducteur de la langue éléphantine.
En ce qui concerne le réseau international, il est très important. Au début des années 70, on a créé un réseau postal, le mail-art. C´était très important à l´époque parce qu´il y avait beaucoup de pays sous des régimes totalitaires donc on était les plateformes, on pouvait faire le passeur pour les tenir au courant et dire au reste du monde ce qu´ils étaient en train de faire. Puis est arrivé l´informatique et le réseau internet. On s´est tout de suite tous mis sur la toile. Les plus grandes archives aujourd´hui proviennent du réseau international avec le Hongrois Gyorgy Galantai d´Artpool, celui de Clemente Padin en Uruguay ou de Ray Johnson, un grand penseur qui expédiait aux Etats-Unis avant de se suicider. Comme par hasard c´était des gens qui en avaient vraiment besoin, c´était pas que des jeux typographiques gratuits mais des gens qui avaient besoin de transmettre des informations.
Sur le plan de l´écriture, je travaille beaucoup sur l´apparence de la page, sur les images. Il y a un travail en amont qui est très difficile. Du temps de l´écriture calligraphique, les moines faisaient ce qu´ils voulaient, un petit dessin, une lettrine, une vignette mais avec la typographie c´était fini, il n´y avait plus possibilité de représenter ce que tu voulais exprimer dans sa totalité. Et puis arrive l´offset, tu peux - à nouveau - tout reproduire, on retrouve la qualité, l´identité du texte comme dans la calligraphie médiévale. Quand tu vois les débuts de l´offset, les écrivains de Tel Quel et les auteurs célébrés essaient de faire des livres comme avant, ils restent dans l´espace textuel alors que tu peux faire autre chose. Avec les Poèmes Métaphysiques, j´ai essayé de trouver une forme. La forme géniale pour la typographie, c´est le sonnet de Pétrarque à Raymond Queneau. La forme pour l´offset, c´est ce que j´ai essayé de trouver avec les Poèmes Métaphysiques.
Avec l´informatique, autre retrouvaille, je travaille sur le programme Xpress qui te donne une liberté extraordinaire, qui te permet de jouer sur une grande quantité de polices, sur les images... Le premier livre que j´ai travaillé dans ce sens s´appelait Eclats d´éveil avec tout un jeu à partir de la lettre G, sur l´état de veille. J´essayais de dire ce qui se passe dans ces moments-là. J´ai joué sur Xpress avec les images, la grosseur des lettres pour être le plus proche de la réalité. Après j´ai fait un copier-coller. Je rentre mon livre dans un autre programme pour faire un poème à la queue leu leu comme les autres, les célébrés ! sauf qu´ils ne savent pas que ce poème, qui ressemble à un poème traditionnel avec des lignes qui se suivent, c´est un poème qui est un copier coller d´un livre de textes visuels. C´est le cas à la fin de Poëme Vulgos. Donc de temps en temps, je m´amuse à passer d´un programme à un autre pour savoir ce que va me filer la machine.

SR : Dans ton dernier travail, tu revisites la forme de la fable à travers un dispositif semblable à celui des Poèmes Métaphysiques. On retrouve une surface coupée en deux qui délimite un espace pour les mots, un autre pour l´image. Mais ici la forme est poussée à l´extrême. A quoi correspondent ces nouvelles fables, quelles nouvelles directions tracent elles ?


Julien Blaine
photo de Sandra Ragenet

JB : Il y a des formes géniales qui traversent les siècles. Le sonnet par exemple naït de la sextine. C´est une forme typographique éblouissante avec deux quatrains et deux tercets qui doivent à la fin, par un seul vers, faire comprendre tout ce que tu as dit dans le poème. La fable, c´est un petit truc avec des préceptes et une morale. Tous les poètes ont traversé cette forme. Il y a eu Perrault, Marie de Régnier, évidemment Jean de La Fontaine, tout le monde s´y intéresse. Comme on est au XXIe siècle, le troisième millénaire a commencé, je me demande comment je peux restituer la force de cette forme, la restaurer, la faire renaïtre. Tu te dis : je vais raconter une petite histoire, un minimum, sous la forme d´une fable juste pour dire que le chien d´arrêt attend que le lapin sorte pendant que le chasseur attend avec son fusil. Entre temps arrive le chat haret, un chat domestique redevenu sauvage. Du coup tu n´as plus besoin d´image : le chien d´arrêt rencontre le chat haret, ça fonctionne. C´est la première phase. La deuxième phase, c´est l´inverse. Je donne des images, par exemple d´animaux que je suis allé photographier dans une réserve proche de Malindi au Kenya, le lion, des lézards de toutes les couleurs et là, c´est toi qui te fais ton histoire. Après il y a toute ma nostalgie des signes typographiques. A l´écrit, le point d´ironie est passé à la trappe. Si ce qui m´intéresse, c´est le passage au corps, à la voix, à l´articulation, à la gestualité, néanmoins il est indispensable d´avoir en amont ou en aval la chose écrite, pas la trace intacte, immuable. Or l´ironie ne s´écrit plus. Tu la sens par toutes sortes de signes corporels et vocaux mais tu ne peux pas l´écrire. Ce signe a disparu. Comme j´ai besoin de ce signe, que je veux l´avoir à ma disposition, je le refais sous forme d´un 4 ponctué. Je veux rebâtir ces signes typographiques. Dans les fables, je vois arriver un oiseau d´Egypte, un ibis qui arrive dans la préhistoire, qui s´envole au-dessus du Mas d´Azil et tu te demandes ce que vient faire là cet ibis égyptien. Je le traduis par la typographie et je te donne toute ma nostalgie des signes typographiques. Evidemment l´esperluette qui est devenu aujourd´hui le " et " commercial. C´est une lettre de l´alphabet algonquin - les Algonquins, un ensemble de clans indiens du nord au Québec - que les missionnaires catholiques ont ramené avec le " ou ", le huit ouvert en haut qui lui a aussi disparu. J´ai fait un livre entier chez Frédérique Guétat-Liviani qui s´appelle Tshakapesh sur le mythe de ce retour là. Comme la poésie est toujours en danger de mort, comme je le dis toujours dans mes performances, j´essaie de restituer des formes qui passeraient à la trappe. Sinon on va tous devenir slameurs. C´est pas mon histoire, c´est la leur. Avec les fables, ce qui est intéressant c´est que quand tu as l´illustration et pas le texte, ça fonctionne à moitié alors que quand tu as le texte et pas l´image ça fonctionne parfaitement.

SR : Avec le texte, tu places le spectateur en position d´acteur, avec l´image il est en position de victime. Ca veut dire que sans les mots le monde est perdu ?

JB : Oui. En tout cas si ce n´est pas le mot, c´est une articulation. On revient à ce qu´on disait, sans articulation le monde est perdu. On le voit, tout est fabriqué, plus rien n´est vrai. Dans le monde politique hégémonique à l´occidentale, ce n´est pas faire les choses qui est important, c´est les dire sans les faire et les contrôler par les relais médiatiques. Continuer à nous manipuler...

Propos recueillis par Sandra Raguenet


Julien Blaine, Insulte faite à Andy, photo de Sandra Ragenet
" Insulte faite à Andy ", photo de Sandra Ragenet

Insulte faite à Andy

J´ai un ami grand faussaire de Warhol à qui j´ai volé le premier passage sérigraphique d´une Marylin : le passage orange. J´insulte Andy W. , je lui dis : " Pas du tout, c´est pas l´icône qui sera dominante au troisième millénaire, ce sera le mot, le mot pirate et ce sera le Y : j´Y suis, j´Y reste, j´Y vis " et on voit bien en effet avec tout ce qui se passe dans le monde que c´est le problème numéro un. Le problème du territoire, des frontières. J´avais aussi fait un poème qui s´appelle " Le troisième verbe " où j´ai travaillé sur cet Y.

L´Installation " Il giro del mundo "


Cette installation est le résidu d´une performance que j´ai faite au centre Pompidou à la suite d´une grande exposition qui s´appelait " Hors limite " organisée par Jean de Loisy. Il giro del mundo, c´est une des phases de mon travail, mon nomadisme à travers le monde. C´est aussi un jeu de l´oie italien d´où je ressors les animaux pour les assassiner comme aurait dû le faire Actéon. Je reprends le mythe de Diane et Actéon. Alors qu´il chasse un jour avec ses amis, Actéon ébloui surprend Diane en train de se baigner nue avec ses nymphes. De colère, elle le transforme en cerf et ses amis en chiens qui bouffent le cerf. Je joue ça, en me clouant les pieds, je marche sur des planchettes, je me badigeonne de rouge et après je danse tout en tuant les bêtes ; je danse avec cet orchestre africain pour montrer que effacer, s´effacer, colorier, danser, écrire, peindre sont issus d´un seul et même geste. Avant que les musiciens ne me tuent !

Poèmes aziliens


Les Aziliens, cette préhistoire magnifique d´il y a 10/15 mille ans. Aussi bien les Aziliens que les Magdaléniens peignent, gravent sur les parois, ils font de l´art mobilier mais ils ont un truc qui n´est qu´à eux, ils peignent sur des petits galets avec très peu de signes. J´ai recensé six signes, l´empreinte des quatre doigts, les trois doigts qui glissent, un petit zigzag, la bordure du galet... A quoi ça sert ? J´ai essayé de travailler, toujours par intuition, sur cette question puis finalement j´ai demandé à tous mes amis à travers le monde d´écrire azilien, c´est-à-dire d´aller près de chez eux recueillir un galet, de photographier l´endroit où ils l´avaient pris, de photographier la couleur qu´ils mettaient sur leur main, d´en prendre la photographie et de me l´envoyer avec le galet. Tout le monde écrit azilien sous le regard d´un " vénérable " recueilli au cours d´une de mes promenades en pays azilien au milieu des vignes...

note : commentaire par Julien Blaine de trois pièces


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Poëme pas-sage