Choix du NUMÉRO
J.S.O. n°044
GERMINALE 2010

Bernard Pesce


Villa Tamaris - P L A G N O L / par Emmanuel LOI
Vip Art Galerie - Aurélien Louis / par François Bazzoli
Galerieofmarseille - Anke Doberauer, Buffet froid / par Xavier Girard
Joséphine De Saint Seine - Maîtrise technique, échappées d´aléas, et lieux de non-choix / par Bernard Muntaner
Elliot Baldovich / par Xavier Girard
François BLADIER - les mots volent --- les écrits crépitent / par Emmanuel LOI
La Tangente & La Poissonnerie - Koki no nômiso - Le cerveau de Koki / par Mika Biermann
Marseille 2013 : Les Nouveaux Commanditaires / par Françoise Rod
Triangle France - Matthieu Clainchard, la ville égarement. / par Xavier Girard
Jean-François Coadou et Martina Kramer A l´image de... / par Madeleine Doré
LA LIGNE - Espace A VENDRE :
  -L´espace A VENDRE présente « La ligne »,une exposition collective essentiellement composée de dessins. / par Cécile Mainardi
  - ESPECES D´ESPACE / par Antoine Simon
Louis Alessandrini - l´interdit de galerie (à l´Espace Ecureuil) / par Jean-François Meyer
Lettre de New-York / par Xavier Girard
Plaine Page / Z I P - Un Max´ de poésie - Il est livre Max´... / par Antoine Simon
Bernard Pesce - Frutta & Verdura Paradis Artificiels / par Florent Joliot











SOMMAIRE

Villa Tamaris - P L A G N O L



Serge Plagnol, «Sainte-Anastasie, le grand paysage», 2009, Huile sur toile, 2,80x3,70 m
Serge Plagnol, «Sainte-Anastasie, le grand paysage», 2009, Huile sur toile, 2,80x3,70 m

P L A G N O L
par Emmanuel Loi


Le progrès en peinture n´existe pas. S´il s´avère une progression dans le coup de main alliée à un changement notoire des implants culturels qui altèrent une palette et peut conditionner un autre ordonnancement des tons, des paliers et des registres, la montée en puissance (qui marche de concert avec le dépouillement) n´est pas de l´ordre de l´assimilation purement réfléchie, du cumul de la connaissance. Le métier de la peinture, que pratique Serge Plagnol depuis plus de quarante ans, implique de s´allier à un savoir-faire pictographique afin de dominer la diversion des couleurs - la ruse et la facilité étant toujours là - à apprendre le trébuchement du contentement de peu.
L´ensemble des pièces montrées à la villa Tamaris à La Seyne permet d´évaluer la continuité d´une œuvre profondément toscane. Mur ou tissu, paroi tangible de la visibilité, la peinture de peintre est traitée telle une fresque. Si, d´aventure, le regard ne pénètre pas, l´absence de profondeur éprouve des difficultés à prendre du recul, il est bon de retourner sur ses pas. Nous voyons alors se dérouler un chatoiement de couleurs, une proposition d´énigmes serties avec la sensualité de l´artisan qui sait répéter, affiner, perpétuer la tradition de son dire.
Plagnol n´en démord pas, il fait de la peinture : il effectue des tableaux dont il ne craint pas la beauté rarement fugace et cependant peu éternisée. Sagesse joueuse, picotement au bout des doigts et picorage de l´œil, peu d´errance mais une jubilation studieuse : des formats très grands, verticaux ou en largeur, désignent quelque chose de peint, d´aimable et de chaleureux, des mots que l´on entend plus et que l´on suspecte d´idéalisme, de foutraisie. Feuillages, frondaison, bouquets, chambres claires, canapés d´ateliers recouverts de draps, nature au charbon sous un ciel fermé, une solennité métaphysique du rien, du presque rien, de l´infime qui raréfie l´intimité, la profonde mélancolie de l´atelier à seize heures, la pertinence de l´absence de choix.

Serge Plagnol, «La verte», 2009, Huile sur toile marouflée sur bois, 40x30 cm
Serge Plagnol, «La verte», 2009, Huile sur toile marouflée sur bois, 40x30 cm

Avec des moyens feutrés qui viennent heureusement déjouer le risque de l´application, les couleurs portées telles des tissus lourds rendent palpable la requête de Plagnol En termes de promenade, de méditation au sujet de l´ornement et de la bordure du monde. Marche, incitation au songe, trinité de la condition de la mise en peinture. Une espèce de bravoure anime ces toiles dont souvent la profondeur de champ est estompée, le rejet de la trivialité, de l´expressivité jouie peut ranger ce travail dans la catégorie sage des excellents coloristes à la Matisse. Bravoure de quelqu´un qui ne démord pas du travail d´intériorité d´avoir à peindre, introspection qui fléchit, pousse le temps, instruit différents paramètres d´élocution (justesse de ton, choix des formats, palette assumée) qui signent l´affirmation du régal, d´un réel épousé. Les contraintes sont ajourées, le métier mis en dialogue, une sérénité espiègle qui, en glissant, ne veut pas décrocher. Le goût pour cette peinture peinture est visiblement lié à la tradition. Au niveau des dates, l´on aperçoit bien le ressassement, la ritournelle, le mouvement de balancier qui scande la temporalité, pas plus de regrets que de progrès. Le peintre ressasse, il n´exaspère pas le geste du coude qui se plie, il ne déroge pas à la règle du plaisir, il se sait exécutant ; donnant une leçon, il effectue pour lui le quotidien de la solitude, la question de la représentation massée et chaulée chaque jour avec la rigueur de l´artisan qui pense. La force de la répétition, le besoin d´exécuter, l´engouement pour la forme qui ne veut pas décrire mais instruire (sur) un instant du monde, sur un point i, un moment immuable et volatil. C´est par cette modestie férue que Plagnol signale son engagement.

Serge Plagnol, «Paysage de Pan avec stèle», 2008, Huile et fusain sur toile, 2,1x1,4m
Serge Plagnol, «Paysage de Pan avec stèle», 2008, Huile et fusain sur toile, 2,1x1,4m

Le besoin de remplir les surfaces, d´assigner aux murs un rôle de fenêtre provient de la grande tradition fresquiste. Peintre franciscain qui ne craint pas le trait charbonneux de formats marine ténébreux tel un champ de bataille intérieur dévasté, il déserte l´atelier pour y revenir avec plus de vigueur. Phénomènes de compression et de largesse alternent, la couleur (pourpre nautile, vert céruléen et bleu madone dominent, rappelant l´importance du quattrocento toscan pour ce plasticien) massive et souvent murale se déploie, mate et florissante. L´attrait de la chaleur, le penchant pour un feu soutenu qui ne s´apaise pas toujours dans la contemplation nous dit l´homme du Sud attaché à son terroir. Violence et sensualité, aspiration à la sérénité et contraction nouée à ne pouvoir la supporter, toute l´ambivalence d´une peinture tonale s´exprime voluptueusement à la villa Tamaris. L´atelier en tant que resserre et fabrique, la prospection d´objets à peindre au plus loin dans la promenade ou au plus près tel Morandi dans la proximité de l´atelier (admirable série de dessins de canapés), l´essai sur toile du pigment, le dressage de la table des couleurs et l´émission séminale des dominantes par à plat, pans brossés tentés retouchés, forment la pratique du peintre. Une rugosité mâtinée par le métier, un emportement fécond vers la force de ton soutenu, l´intemporalité des thèmes, tout pourrait nous mener à nous conforter dans la réception d´une œuvre de peintre pour peintres où le plaisir de faire primerait. Jugement facile et de peu de poids.
Plagnol détient une qualité qui tend à disparaître des cimaises : il ne tire pas de sa ruse un empêchement, il exerce son don tel un maroquinier, serrurier ou maréchal-ferrant, il faut que ça marche. Si peu de peur envers le plaisir de peindre et de donner du plaisir à voir de la peinture se fait rare. Sans courir le cachet, l´effet de mode et les quincailleries et sans privilégier à n´importe quel prix l´ellipse, voir plus de soixante oeuvres de cet artiste arrivé au seuil de sa maturité dans un lieu digne de recevoir cet ensemble se doit d´être salué.


E.L.


Serge Plagnol
« la Musique des branches »
du 26 mars au 02 mai 2010

Villa Tamaris centre d´art
Avenue de la Grande Maison
83500 La Seyne-sur-mer
Tél : 04 94 06 84 00
www.villatamaris.fr


Villa Tamaris - P L A G N O L


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Aurélien Louis



Aurélien Louis, « Earthbreak », Marseille, 2009, Impressions numérique baklit, boîtier lumineux, 110 cm x 75 cm
Aurélien Louis, « Earthbreak », Marseille, 2009, Impressions numérique baklit, boîtier lumineux, 110 cm x 75 cm

Aurélien Louis
par François Bazzoli


Pourquoi ne pas imaginer le dessinateur, conscient de ce qui l´entoure, pris dans les multiples et contradictoires effets du monde contemporain, en ne s´arrêtant pas seulemnt sur les aspects plastiques et esthétiques ? Il ne dessine plus le motif (pommes, compotier, paysage, montagne Sainte-Victoire) mais la complexité actuelle, visible et invisible, faite de formes, d´idées, de concepts et de remises en cause de l´ordre établi. Sans être un sauveur ou un vengeur, il veut mettre en images les convulsions de la Terre, les retournements de la politique, les mises au point de la science et les possibles issues immatérielles de l´artiste. Il se nourrit de documentaires, de blogs, d´ouvrages scientifiques et polémiques, de graphismes, d´échelles et de problèmes.
De ses longues et anciennes discussions avec l´ordinateur, Aurélien Louis, en revenant au papier et à l´encre, a gardé quelque chose du pixel, fragmentant à l´infini ses représentations abstraites ou concrètes de milliers de petits points, de centaines de petites entités (des spermatozoïdes parfois) qui révèlent un rapport certain avec la géométrie fractale et autres merveilles scientifiques. Cette fragmentation est équivalente à celle de ces centres d´intérêt, qui donnent à son travail l´allure d´une encyclopédie en devenir, sans guère de rigueur mais sans aucun dogmatisme. La concentration de ce savoir encyclopédique, indispensable pour saisir le monde d´aujourd´hui qui se décompose et se recompose à vue d´œil, en un ensemble de dessins ou en un seul dessin, est à la fois une entreprise déraisonnable et la seule chose à faire pour Aurélien Louis.
Qu´une plante du genre de l´acacia puisse ressentir une douleur et en communiquer le danger à ses congénères et voilà une porte du dessin prête à s´ouvrir. Que des individus sis à l´autre bout du monde agissent dans des pratiques et des proportions qui lui semblent adéquates. Que des résonances littéraires et des représentations sonores reviennent à son souvenir, et voici l´artiste prêt à mettre en place les prémisses d´une écologie plastique du dessin.


F.B.
Printemps 2010


Vip Art Galerie
66, rue Grignan, 13001 Marseille
Tél : 04 91 55 00 11
www.vip-art-galerie.com


Aurélien Louis


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Galerieofmarseille - Anke Doberauer, Buffet froid



Anke Doberauer, Buffet froid
par Xavier Girard


A la fin de sa vie, Serge Daney, obsédé par l´innocence perdue du cinéma et par la désertification du paysage filmique, concluait la plupart de ses articles par un chapitre rageur et endeuillé sur la fin du septième art historique et sur ceux qui en dépit de son coma dépassé s´employaient à faire quand même du cinéma. Après que le réalisateur eut renoncé à voir ce qui pouvait bien se passer derrière la porte ou à débrouiller la vérité de l´histoire à travers les écrans qui s´interposent habituellement entre la scène et son spectateur et en troublent la vue, après qu´il eut cessé de chercher à voir plus nettement ce que le réel nous cache, tout se passe comme s´il s´était employé à nous montrer ce qui nous empêche de voir ou nous aveugle en nous donnant en quelque sorte à voir en trop les impasses du visible. « Après la guerre, note Deleuze dans sa préface à son Ciné-journal, donc, une seconde fonction de l´image s´exprimait dans une toute nouvelle question : qu´est-ce qu´il y a à voir sur l´image ? Non plus « qu´y a-t-il à voir derrière ? mais plutôt : est-ce que je peux soutenir du regard ce que, de toute façon, je vois ? et qui se déroule sur un même plan ? » Il n´y aurait donc plus d´image derrière l´image, d´arrière plan psychologique, de champ narratif ou de perspective symbolique mais une sorte de « profondeur maigre » que le regardeur renonce à investir. On ne compte pas, à l´âge contemporain, les hérauts de cette minceur soudaine. Il y aurait là matière, si je puis dire, à une exploration comparable à celle qu´entreprend la « photographie plate » interrogée par Eric de Chassey.

Les tableaux d´Anke Doberauer font penser à cette « feuille de contact » pour laquelle « le fond de l´image est toujours déjà une image » et tend imperceptiblement à coïncider avec sa surface. On n´y voit rien d´autre qu´une image déjà imagée, déjà posée, coloriée et mise en scène comme dans les images de l´ordinaire. Ses ouvriers en salopette ou ses corps habillés ne campent pas à la lisière de la vie mais sur le front des icônes populaires d´un monde réduit à son affichage écran. Ils en ont tous les traits : le cadrage frontal, la posture obligée, les virescences colorées, la texture lisse, l´éclairage studio aux ombres absentes et les accessoires subreptices. Leur monde s´est absenté dans sa représentation quotidienne. Ou plutôt, il est passé entièrement dans le plan de l´image, il y est en résidence comme le peintre lui-même. Mais dans cette clôture, ce qui caractérise l´univers d´Anke Doberauer, c´est qu´il n´y a pour le regardeur comme pour le sujet du tableau et le tableau lui-même aucune issue possible, aucune résilience. D´où la nausée qui vous saisit devant ses effigies obtuses, vidées de toute singularité, nettes et comme excavées de toute épaisseur, d´où la violence qu´elles exercent sur celui qui les regarde, l´espèce d´obscénité particulière à laquelle pas une n´échappe. Les visiteurs du soir du vernissage (le premier d´une double exposition auquel j´ai assisté) ne s´y trompait d´ailleurs pas qui devant une telle force répulsive se réfugiaient sur le trottoir, laissant la galerie parfaitement déserte, personne ne relevant le défi d´en « soutenir le regard » vide. La réaction de goût du genre « mais c´est de la peinture de pizzeria ! » Lesquelles, faut-il le dire, affichent aujourd´hui indifféremment les Nu bleu de Matisse, un vague Rothko laminé et un Warhol fleuri de préférence aux peintres du rivage, est ici sans grand effet. Moches, rebutantes, d´une vulgarité cagolesque, horribles à voir, détestables, écœurantes au possible, kitch à mort, dégueulasses, les qualificatifs qui viennent à l´esprit ne parviennent pas à dire l´essentiel. La référence historique non plus. Anke Doberauer ne revisite les genres académiques du paysage, du nu ou du portrait que par la bande, non comme de grandes catégories esthétiques dévoyées mais comme des standards de l´image de grande consommation. Contrairement à ce qu´affirme le communiqué tarte à la crème de l´expo, elle n´œuvre pas à « subvertir » notre point de vue ou à « bouleverser » quelque catégorie que ce soit et pas plus comme il est écrit - à n´y pas croire - à mettre en scène « l´être, l´humanité » mais à dépeindre avec une précision maniaque et une cruauté à vous glacer le sang, l´image que chaque tableau, littéralement, « se paye ».

X.G.


Anke Doberauer
du 13 au 30 avril 2010
Galerie Ofmarseille
8, rue du Chevalier Roze
Tèl : 04 91 90 07 98 - www.galerieofmarseille.com


Galerieofmarseille - Anke Doberauer, Buffet froid


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Joséphine De Saint Seine



Joséphine de Saint Seine, rameaux de divers espèces, monotype marouflé sur toile - 9 parties 82 x 20,5cm (x8) et 15 x 82cm
Joséphine de Saint Seine, rameaux de divers espèces, monotype marouflé sur toile - 9 parties 82 x 20,5cm (x8) et 15 x 82cm

Maîtrise technique,
    échappées d´aléas,
           et lieux de non-choix.

par Bernard Muntaner


 Lorsqu´on se trouve devant les œuvres sur papier de Joséphine de Saint Seine, on est devant une présence tangible qui nous échappe et nous revient en lecture comme une étrangeté familière... Nous reconnaissons des fleurs, des bulbes, des végétaux, même si nous ne pouvons y mettre un nom savant ou vulgaire dessus. Le dessin est à la fois précis et irisé dans les fibres du papier. La technique nous interroge : une approche de la gravure peut-être ? Nous n´en sommes pas loin puisqu´il s´agit d´estampes, mais à un seul exemplaire. La technique utilisée est celle du monotype qui se réalise le plus souvent ainsi : sur une plaque de verre des formes sont tracées à la peinture à l´huile, sur cette peinture est posée une feuille de papier que l´on applique en lissant fortement par dessus. Une certaine quantité de peinture va se reporter sur le papier en créant des manques par endroit et donner une image inversée qui va se singulariser de l´original peint sur la vitre. Ici, le procédé est un peu différent : sur le mur l´artiste enduit une surface de bitume de Judée, sur laquelle elle applique sa feuille de papier. Et c´est en dessinant au dos de celle-ci que le marquage du dessin s´imprime au recto. C´est quelque part un travail « à l´aveugle », car le jeu, pourrait-on dire, se situe entre la maîtrise du dessin et l´échappée d´aléas graphiques. Lorsque le dessin est détaché de son support de bitume, la révélation de l´acte graphique apparaît alors. Celui-ci peut réjouir par son résultat ou au contraire décevoir. C´est cette partie, qui, en échappant à l´auteur d´un monotype, inviterait au désir du faire. Cette technique est aussi celle de son amie d´atelier, Ghislaine Giordano qui la pratiquait déjà. Comme toujours dans les ateliers communs, les savoirs s´échangent, les idées se partagent : il y a de la diffusion, de l´imprégnation, du contact ; trois mots que l´on pourrait associer, comme par hasard, à la pratique du monotype ! Mais si la même technique signale une proximité visuelle, leur projet artistique reste distancié et personnel.
 Joséphine de Saint Seine utilise des vieux plans de dessins techniques comme support à ses empreintes de végétaux dessinés. Cette écriture codifiée que l´on peut lire sur chaque plan répond à des règles, à une rigueur d´exactitude, car le plan technique est destiné à une réalisation fonctionnelle. La combinaison des deux graphismes, précis et aléatoire, peut s´ouvrir sur ces notions de couples : raison/pulsion, culture/nature, acquis/inné... Mais ce serait rester dans une opposition simpliste, et rigide, car, qui a vu et analysé des coupes de fleurs, peut témoigner de l´organisation géométrique étourdissante qui s´opère dans la construction végétale. Regardez la structure de la fleur d´un tournesol, et prenez un compas.
 Mais est-ce cette relation que l´artiste veut nous signifier ? Ou bien veut-elle nous faire percevoir la séparation qui existe entre l´orthogonalité des traits du plan technique, et les courbes, volutes et linéaments des plantes ? Une dichotomie qui proposerait paradoxalement la séparation comme deux complémentaires, pour une re-union de fait ? Ou bien voudrait-elle que l´on joue avec l´idée de « plan » et de « plant » ? Car qu´est-ce qu´un plan, si ce n´est une mise en projet d´une élévation à venir ; et le plant n´est-il pas aussi le lieu d´une promesse de l´élévation de la plante attendue ? Les deux mots porteraient en eux l´attente phantasmée de l´éclosion d´une réalité projetée. Alors, immédiatement, vient se signaler à nouveau la technique du monotype, car celle-ci oblige aussi l´attente, puisqu´elle met le présent de l´inscription graphique en devenir de réalisation, laquelle sera révélée lors du décollage de la feuille sur le bitume de Judée.
 Nous noterons aussi que ces dessins de couleur brune jouent leur partition plastique avec, ici ou là, un accompagnement coloré jouant comme un halo lumineux, un écho vaporeux, une sorte d´aura donnée au dessin...

Joséphine de Saint Seine, « Orange pastré II », monotype et huile sur toile, 146x89cm
Joséphine de Saint Seine, « Orange pastré II », monotype et huile sur toile, 146 x 89cm

 Mais la couleur n´est pas peinture. Pourtant, il y a ici un interstice, un état latent, entre le désir de dessiner et celui de peindre. Elle le dit : « J´ai toujours eu un intérêt pour le graphisme. La série des Pylônes électriques de 1999 en témoigne, mais tout le travail du dessin passait derrière la peinture. » Le dessin, qui s´écrivait dessein jusqu´au XVIIIème siècle, sous-tend l´idée d´un projet : celui de devenir Peinture. Les poncifs dessinés qui étaient reportés sur la toile, étaient destinés à accueillir la couleur et la peinture, et donc à s´effacer devant elles.
 On sait que Matisse a déclaré la présence simultanée de la couleur et du dessin dans un geste, en découpant une forme dans un papier coloré. Dans les peintures de Joséphine de Saint Seine, peinture et dessin cohabitent mais ni simultanément, ni séparément. On y voit de fortes surfaces colorées, en grande partie d´un rouge cadmium écarlate qui accompagne l´artiste dans ses nombreux voyages plastiques aux thèmes divers : paysages, villes, portraits... Dans la toile Figuerolles la picturalité est visible dans la touche, les jus superposés, et les coulures dues à la pression du pinceau et à la consistance fluide de l´huile à certains endroits. C´est une peinture « éclatante » au sens propre du mot (qui se manifeste avec évidence, intensité, éclat, qui frappe le regard), comme l´est aussi la toile Orange Pastré II. Sa peinture ne creuse pas le tableau. Il n´y a pas de perspective atmosphérique, il n´y a pas de modelé, tout au plus quelques modulations colorées. La planéité de la surface est toujours matérialisée. L´écriture des formes semble acérée, comme dessinée par la pointe d´un outil radical. De quoi nous parle alors cette insistance graphique ? Du dessin ! De sa présence affirmée qui cohabite, partage et participe d´un espace pictural, celui du tableau qui est devenu le lieu d´un non-choix. Un non choix qui n´est pas la conséquence d´une hésitation due à la difficulté qu´on aurait à choisir, ni celle de la difficulté à éliminer, non, un non-choix comme propos décisif, postulé. Une revendication de cette existence partagée également : le dessin et la peinture comme deux moteurs à l´œuvre dans l´œuvre.


B.M.


Joséphine de Saint Seine
« plans et plantes »
du 13 mai au 12 juin 2010
Galerie Mourlot Jeu de Paume
25/27, rue Thubaneau, 13001 Marseille
galeriemourlot.free.fr - Tel : 04 91 90 68 90

Joséphine de Saint Seine - Atelier des Capucins
74 rue Longue des Capucins, 13001 Marseille



Joséphine De Saint Seine


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Elliot Baldovich



Elliot Baldovich
Elliot Baldovich

Elliot Baldovich
par Xavier Girard


La rencontre impromptue avec l´univers d´un artiste aussi riche et complexe que les plus grands, est une de ces expériences constitutive de la relation critique et sa chance la plus certaine. De celles qui éclaire vos pérégrinations d´un jour soudain plus vif et vous assure qu´il existe toujours, dans le maelstrom des fausses gloires, des chocs révélateurs. Les œuvres sur papier d´Elliot Baldovich, exposées chez Bernard Plasse, en ont donné aux habitués de la rue Sylvabelle la démonstration magnifique.

Une douzaine de petits formats dessinés à la plume sur des pages de livre au papier couleur de terre battue et aux caractères à demi arasés y étaient présentée sous l´invocation de « Carthage ». Mais le souvenir de la ville détruite, son goudron mêlé de paille et ses fantômes superposés, à la lisère d´Athènes, de Rome et de l´Afrique, ne s´imposait qu´après coup. Après qu´ait fait irruption un « certain fantôme intérieur qu´il faudrait pouvoir peindre et non le nez, les yeux, les cheveux qui se trouvent à l´extérieur [...]» pour reprendre à Henri Michaux le nom donné aux personnages surgis « entre centre et absence » à la surface de la feuille de papier. Au reste, le fantôme que dessine Baldovich ne ressemble guère aux « êtres fluidiques » du poète, bien que, comme eux il va s´exfoliant, le bonhomme ne coïncidant pas toujours avec sa peau mais plutôt avec ses étais provisoires, ses fins appuis de pierre et de feuilles comme autant de « départs de muscles », ses excavations et ses pics, son thorax buissonnant, son abdomen d´insecte et ses os radicants semblables à des surgeons d´eau.

Lorsqu´il parle de lui, Baldovich dit seulement qu´il vient le regarder « d´en-dessous » ou « de loin » comme les peintures des grottes. Il dit qu´il séjourne depuis longtemps dans le désert. C´est un poisson des grandes profondeurs, une espèce de revenant qui aurait attrapé au passage des identités errantes, moitié squelette moitié fétiche, totem dressé devant la porte des songes et graffiti végétal. Il appartient à une branche de l´humanité qui aurait traversé la préhistoire et séjournerait toujours sous les nappes de strontium de nos peurs. A l´apparition de l´un d´eux, couché sur le flanc, en partie enfoui, l´air exténué, il donnera le nom de Maldoror. A un autre celui de Hoggar, à cause des fresques du Tassili. Une seule certitude : ses « formes sont contenues à l´intérieur de nous et nous ont été transmises ». Elles font écho aux gargouilles et aux arbres. Ce sont des sténogrammes animaux traduits de civilisations très anciennes dont la trace s´est effacée, composés d´autant de traits que de retraits.

Pour se glisser dans ses fibres, Baldovich dessine vite, à l´aide d´une plume acérée jusqu´à l´os. Le tempo de son personnage est rapide comme l´air. Avec le dessin dit-il : « Je me laisse aller ». Un dessin au trait noir exclusivement - du moins dans cette suite carthaginoise - un noir d´encre que le papier abrasé boit comme un petit filet d´eau précis, tenace et incisif. De ce noir assoiffé et insistant on dira qu´il se rebiffe contre le petit territoire que la page lui a imparti, qu´il ne va pas non plus sans colère contre le texte qui lui fait fond et « l´appareil du scribe » qu´il use jusqu´à le faire disparaître, comme le noir de certains portraits furibards de Dubuffet, hérissés de piques. Boldovich pourrait affirmer avec Pascal Quignard : « Le noir et la colère, sont un même mot. » Mais ses traits noirs ressemblent aussi à de petites tiges gorgées d´encre qui font leur chemin silencieux à travers le corps comme des radiogrammes.

Elliot Baldovich
Elliot Baldovich

Il dit aussi de son corps dessiné qu´il est né du chaos. C´est une sorte d´archétype dont la légende a été égarée. Sa généalogie vient de « si loin qu´on l´a perdue » de vue. Quelque chose dans sa « vibration » - c´est un mot qui lui est familier - le fait flotter et bouger intensément sur place. Son élément n´est pas tant le désert de la page du livre (Baldovich est aussi grand lecteur que graveur de lignes) d´un ocre soutenu, presque duveteux ou le texte imprimé dont il s´est fait un petit matelas de brindilles mais un vide à vous donner le vertige. Un vide aérien qui le fait naître continûment et au-dessus duquel il se tient en suspens comme les phasmes au mitan de la rétine. Des régions entières de son anatomie sont encore prises dans sa nasse transparente. Il dit qu´il y a en lui « plus de vide que de contours ». L´invisibilité y a toute sa place. La petite machine de capture du dessin ne l´attrape pas toute entière. Ses cernes ne sont pas des liens. Ils dessinent des carrefours et des greffes, des sortes de béances qu´il s´efforce de réduire davantage que des blocs de territoires ou des corps achevés. Parfois, la tête seule en sort. Une tête-crâne pressée d´arriver à la surface ou épuisée par le trajet qu´elle a dû accomplir et quasi mourante. Une tête parfois manquante ou rubanée par la cage thoracique et flambante comme la gueule de l´hurluberlu gesticulant qui me dévisage.

Une tête partagée entre plusieurs menaces, qui échapperait au pictogramme d´une tête abstraite, à l´effigie de bronze comme au piège de la ressemblance. Contrairement à Giacometti, que Baldovich aime invoquer, il ne cherche pas à « faire une tête « qui tiendrait tête au modèle mais à faire surgir une tête jamais vue et que l´on n´attendrait pas à cet endroit : « pierrot lunaire, ange de la mort, saint suaire » comme l´écrivent Gilles Deleuze et Félix Guattari, ou bien encore tête-plante, tête-pierre, tête-insecte mélangées au casse-tête de nos vacillantes têtes humaines.


X.G.


Elliot Baldovich
« Carthage »
Galerie du Tableau, février 2010
On pourra aussi voir les dessins de Baldovich
Galerie WPS, 4 rue de Tilsit, 13006 Marseille
Tel : 04 96 12 46 78 - junglewps@free.fr


Elliot Baldovich


SOMMAIRE

les mots volent --- les écrits crépitent



François Bladier, photographie Anne Bregentzer
François Bladier, photographie Anne Bregentzer

les mots volent --- les écrits crépitent
par Emmanuel Loi


Phonétiquement, feuillotage et fayotage sonnent communément ; le premier est la numérotation des feuillets dans le but d´orchestrer la pagination et donner l´ordre de la lecture, le second est la prédilection de certains à faire de la lèche, subir les événements et pactiser à longueur de patiences. Le fayot qui suit les modes et craint par-dessus tout l´innovation espère se voir récompensé. Il lit ce que tout le monde lit et la diagonale est encore un exercice trop long.
Numéroter les feuillets est le souci des correcteurs. Nous pouvons crypter les écrits à l´instar de Robert Walser avec ses pattes de mouche, il y aura toujours des découvreurs bibliophiles qui assidûment traquent l´imprescritible, l´encodage maximum. Avec François Bladier, c´est une autre histoire. Nous ne pouvons pas prétendre ne pas savoir lire, déchiffrer.

Que fait-on du pense-bête quand on pense que les bêtes ne pensent pas ?
La lettre bâton en tant que férule de l´effarement serait l´enseignement de l´exposition montée à la galerie Meyer. Tel un écheveau tibétain dans un col venteux à l´aide de lambeaux de tissu décolorés et déchirés, le scribe joue de la jubilation du calligramme moderne en utilisant le Post it comme élément à part entière de la partition.
Les lettres s´agglomèrent et se dissocient pour former des mots en cascade qui s´empilent semblable à un Lego de chartistes, un abécédaire de rêveur malicieux (qui peut, selon la fantaisie, servir de tableau si peu édifiant pour des cours de rattrapage pour un Oulipien égaré à Lomé ou Conakry).
Panel de sentences et de psaumes légers comme l´air.
Jeu de Scrabble qui forme une pelure jaune sur l´ensemble des cimaises de la galerie, corps d´écaille d´un animal volatil, d´un arbre à mots. Les effets de sens et permutations des combinaisons donnent à lire l´éphéméride. Le carré de papier prêt à s´envoler, se décoller, effaçable, sans consistance, fier et réduit à sa lettre écrite en capitale au feutre, rappelle à qui voudrait l´oublier que la prestance d´une expression ne peut se résumer à son support. Combien de grimoires richement illustrés, gravés et estampillés ouvrages de qualité ne sont même plus ouverts ou consultables, ni même encore sur terre ?
La puissance du rien, l´évanescence présentée comme telle, une kyrielle de lucioles, une guirlande d´anniversaire, la légèreté - l´hommage en forme de clin d´œil, de pan incliné - sait parfois rester plus féconde qu´un catalogue collector ou une œuvre sur papier bible, le feuillotage à la volée, un dazibao fugace, voilà ce qui sans morgue nous est donné à lire, parcourir et papillonner à la galerie de la rue Fort Notre-Dame.

Comme le rappelle avec justesse le caustique exégète de Flaubert Pierre-Marc de Biasi dans un numéro épatant des Cahiers de médiologie, revue d´idées malheureusement défunte, intitulé « Le papier, fragile support de l´existence » - quelques lignes pour vous mettre en bouche :


« Le papier est partout. Sans lui, pas d´affiches, de dessins, de photos, de cahiers, de livres, de journaux, de contrats, de constitution, de monnaie, de diplômes, de manuscrits. Plus de mouchoirs en papier, plus de papier hygiénique. Plus de cartes postales, de cartes à jouer, ni de cartes de visite. Plus de cocottes en papier. Plus de lettres d´amour, plus de paquets cadeau, plus de confettis, plus de masque pour le carnaval.... Paradoxalement, c´est sous les formes les plus insignifiantes et les plus dérisoires, sous formes de détritus, que sa présence devient visible : prospectus, sachets déchirés, vieux emballages, lambeaux d´affiches, papier de bonbon et papier gras, tracts abandonnés, enveloppes ouvertes, presse périmée... Le papier fait écran à sa propre beauté, il nous embarrasse, déborde de notre boîte aux lettres, il traîne sur les trottoirs, il fait désordre ; on le froisse, on le jette, on le brûle. »


Là, il en est fait tout différemment. Les jeux de lettrage essaiment un rapport diffus à l´acte de lire et nous rappellent la fugacité d´un acte d´inscription où le repentir de la modification - le chiffrage du code - reste bénin et primordial : avec quoi j´écris, comment j´écris, quand, sous quels modes, qu´est-ce que j´épelle ?


E.L.


Exposition François BLADIER
   Galerie Jean François Meyer
Ventôse 2010



les mots volent --- les écrits crépitent


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La Tangente & La Poissonnerie - Koki Watanabe



Koki Watanabe, « Doppio », installation à la galerie La Tangente
Koki Watanabe, « Doppio », installation à la galerie La Tangente

Koki no nômiso - Le cerveau de Koki
par Mika Biermann


Le langage de l´artiste contemporain n´est plus universel. Le gothique international a régné longtemps sans partage sur les mondes. Un Martien allait aimer Van Gogh, un Vénusien pouvait apprécier Picasso. L´art nègre inspira le cubisme, le cubisme inspira la fin du monde. C´est fini, de tels accords harmonieux. L´art contemporain n´est ni mondial, ni patriote, ni citadin, ni villageois, mais individuel, voir - roulement de tambours : nombriliste. Complexe, diraient les bienveillants. Hermétique, diraient les critiques. N´importe-quoi, diraient ceux qui ne l´aiment pas, qui n´aiment rien ni personne.

Ceci dit, qui donc prétend qu´une langue doit être universelle, après tout ? La plus grande imbécillité dans le domaine, qui faisait déjà fulminer joliment un Cingria d´habitude si détendu, était l´Espéranto, ce sabir rikiki drapé dans une robe de bure, qui n´a jamais eu le moindre succès. Le dollar, lui, est bien compris par les peuples de la terre. L´alcool est consommé à travers toutes les landes sans exception. On fume du tabac du Cap Horn au Cap Nord. Des langages, par contre, il y en a autant que d´hommes. (« Tout a été dit. Mais pas par tout le monde » disait K.V.) Le sens d´un langage n´est pas la communication, son but n´est pas la compréhension entre les gens, mais de se comprendre soi-même. C´est la raison pour laquelle ce n´est pas d´universalité qu´il a besoin, mais de cohérence. Pour faire court, un artiste est celui qui découvre assez de cohérence dans son langage pour se voir penser et s´entendre réfléchir. Ni il défait, ni ne réforme, ni ne révolutionne, ni ne sublime, ni ne sacre : tout ça est du domaine du beuglement, du cantique, voir de la propagande. Non, il expose sa cohérence au grand jour. Rien n´est plus délicieux à constater pour le passant innocent.

Koki Watanabe, « Doppio », installation à la galerie La Tangente
Koki Watanabe, « Doppio », installation à la galerie La Tangente

Or, dans l´installation de Koki Watanabe à la Tangente on ne comprend pas un traître mot. Encore heureux ! Ne cherchez plus à comprendre, et vivez vieux ! Comprendre, entre nous, c´est condescendant. C´est infantilisant. C´est de la merde. Ce qui nous importe (se répéter n´est pas dire deux fois la même chose) est la cohérence : on voit tout de suite que ça se tient, chez ce gentleman japonais. Ca se tient à tous les niveaux : l´ambiance, l´efficacité, les choix, les matières, les grincements, la joie, les à-coups, le niveau sonore, l´odeur, l´ampleur, et, pourquoi pas, l´intelligence et l´humour (une bonne critique d´art devrait toujours ressembler à une petite annonce des pages « rencontres »). Prenons ce qui saute aux yeux : la présence de singes. De gorilles, pour être précis. Ils sont en argile, cuits sur le grill à merguez sur le balcon de la maison de l´artiste (il n´y a aucune raison de ne pas divulguer parfois quelques secrets de fabrication, dont le grand public est toujours friand. Surtout quand il s´agit de secrets honorables). Or, ces grands singes (1), qui mesurent environ 15 cm de haut, sont de toute évidence une figure de rhétorique. L´artiste, lui, déclara un soir avec la simplicité d´un grand sage que les singes, il les adore. Sûrement parce que entre le singe et l´homme il y a un trait d´union poétique. Parce que le singe est à l´homme ce que le trompe-l´oeil est à l´aveugle : un miroir. Soudain, sur un socle ce qu´il y a de plus classique, le drame : la bête grise, méfiante, renifle une boîte noire. Il s´agit d´un cerveau qui palpite. Il irradie la salle d´une irréelle lumière bleue. Le gorille n´est pas impressionné. Ce n´est quand même pas le cerveau d´un dauphin ; seulement celui d´un homme. Il projette au mur ce qui est passé par la tête de l´artiste en une milliseconde à un moment donné et quelconque (mais toute la question délicieuse est là). C´est du beau travail scientifique, cette exposition. Un arrêt sur image implacable. Jamais personne ne s´est livré aussi nackt (2) dans sa pensée. Il a du courage, ce Koki Watanabe. Le temps s´est arrêté pour six semaines à la Tangente. Et dans le miaulement d´une voix de femme l´Enterprise disparaît à l´horizon de l´univers pour explorer des mondes que personne n´a jamais encore vus. Voilà que la grande métaphore engendre des petits. C´est puissant comme une annonciation. Touchant comme une nativité. Mélancolique comme une ascension. Le bouquet pas du tout final d´un éclat de neurones illumine ce que l´humanité a de mieux à offrir dans l´urgence, entre autres : Leonard Nimoy, Tangerine Dream, Maria, Aby Warburg, Bernini, Marvin Minsky, Jessica Lange, Alfred Bester, Jack Kerouac, Dante, le Doppelgänger, le père de l´artiste et l´artiste lui-même.

La sciure par terre n´a donc pas besoin d´une quelconque explication supplémentaire.

« Doppio, Doppel ! » : le titre aussi va de soi, d´autant plus que « doppel » ne veut rien dire en aucune langue (et de nouveau Watanabe retombe sur ses pieds en s´équilibrant avec sa queue, comme un petit singe agile), sauf en Allemand, où « doppel » signifie « Double » au tennis. Toute piste dans du bon art contemporain (comme s´il pouvait y en avoir du mauvais) doit finir dans un tel champ de mines, sur lesquelles on sautera joyeusement. Peut-être aussi Watanabe annonce ainsi les deux volets (d´où l´allusion au tennis : on a déjà dit que tout ici se tient...) de son exposition. Le 8 mai il a téléporté l´exposition de la Tangente à la Poissonnerie. Ca ne pouvait que rater. Il l´avait prédit. C´est depuis qu´on est - hommage à l´épisode n° 56 (le premier de la troisième saison) de « Star Treck L´Original » intitulée « Le cerveau de Spock » (« Spock´s brain ») - à la recherche du cerveau de Mr Koki.



(1) Parmi les « grands singes » on compte l´orang-outan, le gorille, le chimpanzé, le bonobo. Ce dernier a la réputation d´utiliser l´accouplement à tout bout de champ pour calmer les tensions sociales, selon le vieil adage « faites l´amour, pas la guerre ». Il faut cependant préciser que la durée d´un coït entre bonobos ne dépasse jamais les quinze secondes, ce qui laisse planer un sérieux doute sur leur soi-disant humanité.
(2) « Nu » en Allemand


M.B.


Koki Watanabe
« Doppio, Doppel ! »
La Tangente, du 10 avril au 16 mai 2010
http://la.tangente.free.fr
La Poissonnerie, du 8 mai au 21 mai 2010
http://lapoissonnerie.free.fr



La Tangente & La Poissonnerie - Koki Watanabe


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Marseille 2013 : Les Nouveaux Commanditaires



Les Nouveaux Commanditaires
par Françoise Rod


Le programme des Nouveaux Commanditaires est un dispositif qui permet à n´importe quel citoyen confronté à une problématique collective de commander une oeuvre à un artiste contemporain vivant. Cette procédure s´inscrit dans le programme culture de la Fondation de France. En Région Paca, le Bureau des Compétences et Désirs, soutenu par Marseille 2013, est le médiateur délégué de ce programme.
En 1991, en pleine controverse sur l´art contemporain et avec une volonté de démocratisation de la culture, l´artiste François Hers, engagé par la Fondation de France sous la présidence de Bernard Latarjet, conçoit ce nouveau programme. Effectif en 1993, il prend de plus en plus d´ampleur, au fil des ans. L´action Nouveaux Commanditaires possède, aujourd´hui, plus de 250 projets à son actif et une plate-forme européenne.
Rappelons que la Fondation de France a pour mission d´encourager le mécénat privé au service de toutes causes servant l´intérêt général. Créée en 1969, à l´initiative d´André Malraux, cette institution privée collecte et redistribue des dons et legs en faveur d´actions de solidarité, de santé, de recherche médicale, d´environnement, d´éducation et de culture. Avant 1991, la fondation s´appuyait sur un comité culturel pour sélectionner et soutenir des actions artistiques. Aujourd´hui, le protocole des Nouveaux Commanditaires, permet de confier à des personnes inscrites dans le social, mais éloignées du monde de l´art, la commande d´un projet artistique. Ce modèle d´action repose sur la base d´un cahier des charges symboliques et techniques précis et sur la collaboration entre trois acteurs : le citoyen, le médiateur culturel et l´artiste.
Le résultat de cet échange est la réalisation d´œuvres de toutes disciplines (arts plastiques, musique, design, architecture). Le coût moyen d´un projet est d´environ 86 000 euros. Avec une quinzaine de projets en cours ou réalisés, La région PACA est l´une des plus dynamique dans la mise en œuvre du programme. L´exemple le plus connu à Marseille est la réalisation sur la demande du personnel hospitalier de la clinique Paoli-Calmettes, d´une chapelle multiconfessionnelle, par Michelangelo Pistoletto, grâce à la médiation du Bureau des compétences et des désirs.
Les commanditaires sont des citoyens représentant une collectivité confrontée à des préoccupations de société, des problèmes d´identité, de liens sociaux, de revalorisation du patrimoine, de désertification rurale ou de violence urbaine. Les artistes choisis par les médiateurs tels que : Jean-Luc Vilmouth, Annette Messager, Christian Boltanski, Sarkis, John Armleder, Tadashi Kawamata, Hervé di Rosa, sont ceux que l´on retrouve dans les commandes publiques et dans la politique d´acquisition du FNAC et des FRAC. Peu d´ouverture à la jeune création ou à la création expérimentale.
L´action Nouveaux Commanditaires vient compléter les systèmes existants, que ce soit le marché de l´art, la commande publique ou le 1%. Il existe une grande similitude de démarche entre ce programme de commande privée et les commandes publiques, si la fondation de France est un organisme privé, il a été créé à l´initiative des pouvoirs publics, et le programme Nouveaux Commanditaires travaille le plus souvent avec des partenaires publics. De plus les sommes gérées sont approximativement semblables. La commande publique et les Nouveaux Commanditaires fonctionnent quelquefois ensemble, comme, par exemple lors de l´aménagement des quatre chambres de résidence pour la Villa Noailles à Hyères. Inscrite dans le projet de Marseille Provence 2013, au titre de la thématique « Tous acteurs », l´action Nouveaux Commanditaires fait partie des projets structurants engagés dès l´annonce de la sélection. Douze projets seront réalisés d´ici à 2013. A Marseille, la Fondation Hôpital Saint-Joseph a passé une commande à l´artiste Gérard Traquandi autour du thème « Famille, nativité, parents à l´enfant ». L´artiste va investir la façade du Pôle Parents Enfants par une œuvre sur une paroi de verre équipée d´un système électrique lumineux. Cette image transparente, ou plutôt ce phénomène lumineux parallèle au mur sera achevé en octobre 2010. Il s´agit de réunir le scintillement lumineux d´échographies avec celui d´images de l´univers captées par satellites.
Le long de la vallée de l´Huveaune, l´association Rives et Cultures, a commandé à Lucy et Jorge Orta l´installation de sculptures-bancs le long du fleuve de la source à l´embouchure. Le Parc régional, le Musée régional de Camargue, le Château d´Avignon, la Fondation Tour du Valat se sont réunis pour passer une commande à Tadashi Kawamata qui réalisera plusieurs installations, pensées comme un ensemble de scénario de lectures et d´observations du paysage. Parmi les autres projets notons celui de Jacques Siron pour la Cité de la musique de Marseille, d´Olivier Bedu pour la place François Moisson et de Krijn de Kooning pour le Collège de la Major et celui d´Andy Goldsworthy pour le hameau de Vière et le site de la chapelle, sur la commune de Prads.
En France nous disposons de Sept médiateurs dans les régions Ile-de-France, Aquitaine, Centre et Bretagne, Rhône-Alpes et Auvergne, Provence-Côte d´Azur, Bourgogne et Lorraine, Nord Pas-de-Calais, Picardie. En Europe, ils sont environ une dizaine. Le programme des Nouveaux Commanditaires se développe en Allemagne, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Finlande en Amérique du Sud, au Chili en offrant même des cursus de formation de médiateurs.
L´originalité des Nouveaux Commanditaires tient principalement dans le long temps de la phase de pré-production de l´œuvre. C´est ce processus de médiation, fait de négociations et d´apprentissages mutuels qui permet une rencontre approfondie entre les citoyens et les professionnels de l´art. Rencontre beaucoup plus fructueuse que la seule implantation d´une œuvre d´art dans un espace public. Le protocole des Nouveaux Commanditaires repose donc, sur la figure centrale du médiateur qui rend effectif ce rapprochement entre art et société. Son rôle est charnière. Le médiateur-producteur présent à chaque étape de la réalisation, aide les commanditaires à formuler leur demande, choisit l´artiste, assure le suivi de la maîtrise d´ouvrage, organise le financement de l´œuvre, à ne pas confondre avec le médiateur en direction des publics d´exposition.
L´ambition de ce programme est de résoudre des questions sociétales par un travail artistique sans pour autant perdre de vue l´autonomie de la finalité artistique. Pour arriver à ce but, le partis pris est celui d´opter pour une production sélectionnée sur la légitimation et la reconnaissance de l´artiste qui sera ainsi capable d´imposer aux citoyens et aux élus l´indépendance et l´intégrité de son choix. Le défi à relever est de double teneur ; la nécessité d´une insertion sociale et celle d´une grande qualité et indépendance artistique. Le médiateur spécialisé résout par sa présence et son travail le caractère parfois paradoxal de cet enjeu. C´est le médiateur qui réussi à rapprocher le travail des artistes des besoins de la société. L´hyperspécialisation et l´importance du rôle du médiateur empêche l´une des dérives les plus courante dans ce genre de projet ; l´artiste se transformant en un animateur social. Ici, il n´est pas nécessaire que l´artiste soit engagé, il ne s´agit pas de promouvoir un art de l´expérience de la relation sociale ou du lien social. Ce n´est pas l´artiste qui est au centre de l´échiquier social, mais le médiateur. Jusqu´à quel point donc, les artistes s´engagent-ils véritablement dans les affaires de la Cité ? L´artiste répond avant tout à une commande qui intégrera ses compétences spécifiques dans le champ social.
L´action Nouveaux Commanditaires semble renforcer davantage la cohésion sociale que contribuer a un certain renouveau social. En effet, loin de bousculer les frontières existant entre artiste (génie individuel isolé) et citoyen (non artiste), ce programme renforce cette distinction. Ce protocole est finalement bien éloigné des projets d´Art community based, les arts au service de la communauté, branche développée et enseignée principalement dans les pays anglophones dont l´objectif est de déclencher des événements catalyseurs ou des changements dans une communauté en impliquant dans le processus artistique, la participation de membres non professionnels des communautés locales. Mais ici, le choix ne s´est pas arrêté sur des artistes proches d´un contexte social mais sur des œuvres pouvant répondre aux besoins des commanditaires.
Nous pouvons féliciter le Bureau des Compétences et Désirs de faciliter la commande de nouvelles œuvre d´art par des simples citoyens. Néanmoins, la peur de perdre la dimension de l´art avec un grand A semble diriger le programme vers des pratiques artistiques institutionnalisées plutôt que vers du vivant et de l´expérimental. Il n´empêche que ce programme avec le boom des agglomérations rurales et le changement d´échelle des espaces de l´action culturelle territoriale est destiné à un avenir prometteur.


F.R.


www.fondationdefrance.org/Les-nouveaux-commanditaires  -   www.newspatrons.eu


Marseille 2013 : Les Nouveaux Commanditaires


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It´s like a jungle sometimes it makes me wonder how i keep from going under (bis)



au premier plan : Matthieu Clainchard, « Jungle concrète », le poteau rose et autres repères cosmologiques (les petites colonnes), 2010, Acier, peinture, Production Triangle - au mur : Peter Halley, « Choice of screens », 1998, Acrylique, acrylique Day-Glo, acrylique métallique et Roll-A-Tex sur toile, Courtesy Galerie Xippas, Paris
au premier plan : Matthieu Clainchard, « Jungle concrète », le poteau rose et autres repères cosmologiques (les petites colonnes), 2010, Acier, peinture, Production Triangle
au mur : Peter Halley, « Choice of screens », 1998, Acrylique, acrylique Day-Glo, acrylique métallique et Roll-A-Tex sur toile, Courtesy Galerie Xippas, Paris


Matthieu Clainchard, la ville égarement.
par Xavier Girard


Artiste-curateur d´expo, hier membre du collectif Bad Beuys Entertainment, Matthieu Clainchard assisté de Dorothée Dupuis expose au Triangle, du 20 avril au 30 juin, les pièces d´une douzaine d´artistes sous l´invocation en forme de mix d´une petite ritournelle urbaine : It´s like jungle/sometismes/it makes me wonder/how i keep/from going under. Le texte ne fait pas titre mais on croit deviner que la jungle dont il est question ici est d´asphalte et ses prodiges moins propices à l´émerveillement qu´à l´état d´esprit du type qui en vient à se demander quel est exactement le sujet de l´exposition, pourquoi il s´y tient et de quel dessus-dessous il s´agit, bref par quoi va-t-il devoir passer, quelle suite d´épreuves il lui faudra franchir et avec quel espace-temps en découdre une fois franchie la Friche, le temps d´y errer dessous ses plateaux de béton. Il sera assez vite fixé par une série d´images d´une rue en chantier comme en publiaient Les Cahiers de l´Art vivant en 1971, un instant tentés de prêter attention aux dérives situationnistes. Le thème (bien qu´un tel terme en un tel contexte nécessite une sérieuse révision) qui organise le tout serait donc la Ville. Non pas ses représentations comme dans Dreamlands l´expo que l´on peu voir jusqu´au 9 août au Centre Pompidou à partir des reconstitutions qu´on en a faites et que l´on continue à produire aujourd´hui à Pékin, à l´occasion des expositions universelles. On ne trouvera ici ni la ville moderne de Fernand Léger ni celle d´Andreas Gursky, hantée par la duplication agonistique, ni les entreprises archéologiques de Stéphane Couturier ou les contes d´apocalypse de Kader Attia et de Liu Wei ou la ville Disneyland de Martin Parr mais des configurations qui exigent du visiteur qu´il fasse appel moins à un imaginaire prospectif qu´aux « dessous » d´une réflexion née de la pratique quotidienne. Les façades d´Yves Bélorgey ont beau être recomposées et conçues comme des « monstres » architecturaux de la banalité urbaine, elles donnent à penser que la « jungle » des villes est d´abord un système en guerre. Le triomphe de la clôture bétonnée, l´enclosure généralisée qu´elles dépeignent n´a rien de la Cité radieuse dont rêvait la modernité. La toile de Peter Halley, aux gris classiques, très différente de celles aperçues le mois dernier à New-York chez Mary Boone, si intensément colorées et vibrantes de rouges verts et jaunes acides texturées à gros grains qu´elles faisaient mal aux yeux, reportait dans sa géométrie cadastrale la ville de haute sécurité que rien désormais ne protègerait plus des attaques terroristes, ses couleurs toxiques et son linéaire carcéral lui donnant l´air d´une catastrophe achevée.

à gauche : Lewis Baltz, « Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire (CERN) », 1989-91, C-Print, diasec, Courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne - à droite : Matthieu Clainchard, « Inna Furiani style », 2010, Bois, acier, peinture, Production Triangle
à gauche : Lewis Baltz, « Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire (CERN) », 1989-91, C-Print, diasec, Courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
à droite : Matthieu Clainchard, « Inna Furiani style », 2010, Bois, acier, peinture, Production Triangle

L´image de Lewis Baltz - un espace de rangement quadrillé de meubles métalliques - non plus que le mobilier de Iam Gillich, ne prêtait à confusion. La ville est l´épitomé d´un ordre policier, le chef d´œuvre du rangement fonctionnel, l´apothéose d´un pouvoir anonyme dont les habitants sont exclus. Et ce ne sont pas les croquis d´orientation de Stanley Brouwn qui le guideront dans son errance d´homme-boîte d´après la catastrophe. Aussi ne faut-il pas s´étonner (it makes me wonder) que lors de la vente d´objets divers organisée à l´occasion de l´exposition, l´une des enchères les plus remarquables ait été une collection d´annonces de chats perdus. La ville de Matthieu Clainchard oscille entre les rubriques de la scène de quartier et du laboratoire sécurisé. On se souviendra qu´en 2003 il avait en même temps exposé (chez Corentin Hamel) une vidéo de faux tournage de film en milieu urbain avec ventousage et déventousage de la rue et non loin des capteurs de sons parasites brasillants sous terre. L´inframonde de la ville le requiert de la même façon que ses saynètes les plus spectaculaires. Le chantier de catastrophe et les miroirs de l´antiquaire y font plutôt bon ménage. La vitre brisée d´après match cohabite très bien avec les simulacres de verre en sucre filé des cascadeurs. La peinture abstraite et les badigeons des murs produisent des effets similaires. La ville de Clainchard est placée sous le signe de l´équivoque infinie. On y déambule en circuit fermé - pas l´ombre d´une végétation ne vient en perturber le programme - mais sans en connaître les limites. Entre les pièces exposées, seuls les paradoxes ont droit de cité. Le simulacre de vitre se reflète dans un mur de miroirs de salle de vente. Les sinistres armoires de Lewis Baltz et les bardages de métal de même couleur composent un décor somme toute assez pimpant. Morale de la ville selon Clainchard ? On y tourne peut être en rond comme le répète Le grand blond à la chaussure noire mais c´est en sautant d´un pied sur l´autre, comme si nous n´étions plus à même de savoir si nous y sommes, comme le dit Pascal, « ici plutôt que là. »


X.G.


Matthieu Clainchard
« exposition personnelle »
avec des œuvres de
Fayçal Baghriche, Lewis Baltz, Yves Bélorgey,
Stanley Brouwn, Dector & Dupuy, Vincent Ganivet,
Liam Gillick, Peter Halley, Dennis Hopper,
Colombe Marcasiano, Benjamin Seror,
Veit Stratmann, Raphael Zarka.

du 20 avril au 12 juin 2010
Triangle France
Galerie de la Friche la Belle de Mai - Marseille
www.trianglefrance.org



It´s like a jungle sometimes it makes me wonder how i keep from going under (bis)


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Art Mandat / Les Perles - Jean-François Coadou et Martina Kramer -



Jean-François Coadou, « le complexe de Vauban », installation
Jean-François Coadou, « le complexe de Vauban », installation

A l´image de...
par Madeleine Doré


Les expositions présentées aux Perles de Barjols gardent en haleine un public féru de questionnements sur l´art. Trois moments de rencontre sont prévus pour engager des discussions autour des œuvres, l´intérêt porté sur l´acte d´exposer particularise ce lieu. Cette ancienne tannerie à l´apparence d´une friche industrielle, met à la disposition des artistes des locaux dont les traces d´origine invitent ceux-ci à intégrer le contexte dans leurs œuvres. Certaines expositions sont le résultat de commissariats, comme celle de Jean-François Coadou et Martina Kramer, un choix de Sylvie Pic.

L´installation de Coadou prend place dans les alcôves de la grotte, la première salle à l´entrée du bâtiment. D´énigmatiques modules carrés sont alignés de manière a former un autre grand quadrilatère au sol. Les sculptures sont fabriquées avec des plaques en acier oxydé épais. Chaque pièce est conçue à partir de motifs ornementaux en relief en forme de croix, de rond, de cercle, de pyramide, parfaitement découpés et rassemblés.
Dans son exposition intitulée le complexe de Vauban, Coadou développe un concept sculptural qui met en parallèle les forteresses de Vauban et l´enfermement psychologique de l´autiste qui se fabrique des murailles pour se protéger de l´extérieur. Comme le souligne l´artiste, l´architecte Vauban a enfermé, protégé la France de remparts et forteresses. Sa vision architecturale semble dévier des lois physiques fait basculer les plans et incliner les murs des bastions de ses citadelles étoilées.
Jean-François Coadou reprend ce dispositif inventif de plans en reliefs dans ses sculptures et permute l´angle du regard. L´imposante architecture glisse à l´échelle de l´image, dans son installation, le spectateur devient l´architecte du regard. Il surplombe les rangées de sculptures au sol, il les survole, plane au dessus d´une agglomération de bâtiments miniatures. Les formes sont compactes, sans ouvertures, elles occupent le plein, non le vide. Il y a, à la fois un effet d´attraction et de répulsion qui n´est pas donné par la forme esthétique mais par la compaction énergétique du travail. Le danger d´implosion que contient cette oeuvre maintient la distance nécessaire pour voir. L´artiste crée un objet qui se pose comme limite, lieu infranchissable d´un cri qui perdure dans l´esprit des formes.
Les rectangles, carrés, cercles se définissent les uns par rapport aux autres. Ces formes font partie d´une géométrie d´ensemble. Une mathématique du visible qui se définit en rapport et en adéquation avec les relations qu´établissent les formes entre elles.
Avec ce double mouvement d´attrait et de retrait, l´artiste réinvestit la stratégie offensive et défensive de Vauban. Il travaille de façon sérielle, et ce fait renforce l´idée du jeu, du pouvoir, et d´un point de vue cosmique qui évite de se focaliser sur un point particulier.
L´histoire des images est intemporelle, comme l´indique Elie Faure : « L´esprit et l´apparence changent, mais l´artiste a fixé un point de rencontre si stable que, trente siècles après comme le lendemain, l´homme a l´impression fulgurante qu´il a possédé l´univers à la seconde ou il passait par ce point là. » Le travail de Matina kramer est aussi fait de précision, de points de rencontres, d´injonctions qui dessinent l´état de ce qui est figuré et non figurable. L´exposition s´intitule d´un état à l´autre et occupe trois espaces au second étage des Perles.

Martina Kramer, « d´un état à l´autre », installation
Martina Kramer, « d´un état à l´autre », installation

Dans la première salle, quelques courbes en reliefs se touchent, font apparaître le mur, le sol, l´espace ambiant devient tableau, surface réfléchissant la lumière et le vide. La matière picturale non tactile, fait tourner en rond. L´œil cherche à travers cette grande abstraction blanche le figurable. Martina Kramer utilise les codes picturaux de la représentation mais c´est la forme qui fait surface dans cette installation. Ce déplacement esthétique s´apparente aux explorations des avant gardes des années 70. On pense à l´événement mémorable « Quand les attitudes deviennent formes » qui a révolutionné le concept traditionnel d´exposition. Les artistes ne réalisent plus des œuvres fermées, mais adoptent des processus dynamiques ouverts. Martina Kramer réfère à cette attitude qui renvoie aux multiples mutations de la matière picturale. Son installation structure une non figuration qui fonde pour elle même sa puissance figurative, privilégie la forme esthétique plus que l´attitude. Elle vise à produire activement une perceptibilité nouvelle. Dans la seconde installation, le mur devient le support d´une vision suggestive. Kramer construit une cartographie de points blancs en utilisant de simples clous de construction. Les formes rondes en relief donnent de subtiles nuances d´ombres et avec une certaine distance créent une illusion d´optique. La lumière suit le trajet de cette percée de l´image qui s´accroche à l´écran du langage. Le titre des installations d´un état à l´autre souligne l´autonomie sémantique à laquelle tend le figurable, insiste sur l´espace transitoire du flou, de l´incertain qui offre toutes possibilités langagières.
Martina Kramer utilise l´architecture réelle pour ancrer ses installations picturales dans une réalité éphémère et Coadou fonde son travail sur des données architecturales et ses sculptures s´inscrivent dans la durée.

Coadou et Kramer proposent une introspection qui incite à creuser la distance d´une vision sculpturale et picturale, comme sujets formellement capturés par l´histoire de l´art et leurs approches montrent les possibilités de fuites et états de dispersions qui sont à l´image d´une dislocation de l´objet esthétique.


M.D.


Art Mandat / Les Perles
19 rue Pierre Curie
83670 Barjols
Tel : 06 72 79 97 54
www.artmandat.com


Art Mandat / Les Perles - Jean-François Coadou et Martina Kramer -


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LA LIGNE - Espace A VENDRE par Cécile Mainardi



LA LIGNE - Espace A VENDRE
LA LIGNE - Espace A VENDRE

L´espace A VENDRE présente « La ligne »,
une exposition collective essentiellement composée de dessins.

par Cécile Mainardi


Si la dernière exposition de la galerie L´Espace à Vendre porte le titre de « La ligne », c´est qu´en effet elle propose une ligne faite de plus de quatre vingt dessins pêle-mêle, qui vient courir les long de ses murs.
Cadençant format, médium, taille, couleur, noir et blanc, et jonglant avec les univers et les pratiques de dix artistes (sept de la galerie : Michel de Brouin, Han Hoogerbrugge, Arnaud Labelle-Rojoux, Thierry Lagalla, Florent Mattei, Emmanuel Régent, Jérôme Robbe, Karine Rougier, Stépahne Steiner, et deux invités pour l´occasion d´un panachage plus aéré de l´ensemble : Stéphane Protic, et Gérald Panighi), cette ligne refédère toutefois son unité autour du goût cher à la galerie pour le burlesque, le déraillement, l´audace amusée et/ou sitôt désavouée, la dérision acidulée et pétaradante, l´humour souvent grinçant.

Ca n´est peut-être pas un hasard si le titre de l´une des pièces (de Michel de Brouin) : « Suivre la ligne » lègue ou inspire en partie à l´exposition son nom de baptême : on l´y voit au volant d´une voiture dont il a orné le pare-brise d´un écran video. Relié à une caméra vidéo placée sur le côté de la voiture, l´écran restitue l´image grossie de la ligne blanche peinte au centre de la voie de circulation, et fonctionne au fond comme une facétieuse, absurde et finalement obsédante loupe géante...

Mais n´est-ce pas finalement à autant de loupes différentes que se soumet cette ligne de dessins, afin de les faire voir à la fois dans la plus grande précision - nombre ou la plupart sont d´une exquise finesse (Karine Rougier, Gérald Panighi) - mais aussi dans un déréglant écart quant au réel qu´ils convoquent, exagérément et toujours trop : on y voit comme avec « des lunettes à voir sans peau » l´anatomie interne de Thierry Lagalla excellement légendée en hollandais (comme en souvenir de la peinture hollandaise « d´intérieur ») (« Les choses ne bougent pas »), avec « des lunettes à voir en couleurs de cahier de coloriage » des scènes sociétales stéréotypées (Florent Mattei), « des lunettes à reluquer sous les jupes » d´évocateurs dessous féminins (Stéphane Protic), ou encore « des lunettes à voir quasi-photographiquement » des ondoyances qui n´ont d´égal que les rectilignes traits de feutre noir très fin qui en saisissent l´instant (« 2 rochers » d´Emmanuel Régent), « des lunette enfin, à voir en éclats de fossiles résiduels et carbonisés/sublimés » ce qui fut de réels dessins (les plaques transparentes de Jérôme Robbe).

En somme, une précision redondante du voir et dans le voir qui dévoile autre chose, et donne à penser que cette ligne (celle aussi qu´enfant on nous apprend à faire par un trait à la règle), plus que d´être suivie, est sans cesse passée, dépassée, franchie... allègrement rejouée en frise d´émerveillement.



Ligne de flottaison, ligne de touche, ligne d´horizon.

Ligne de visée, ligne de mire, ligne de tir !

Ligne de visée, ligne de fond, ligne de sonde.

Redondante/obnubilante/obsédante/obturante/obstruante


C.M.



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LA LIGNE - Espace A VENDRE par Antoine Simon



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ESPECES D´ESPACE
par Antoine Simon


Le titre s´imposait pour une galerie qui se nomme Espace à Vendre, et je ne pouvais décemment pas rater ce clin d´œil à Pérec. D´autant que ça fonctionne pour les deux cas d´espèces, la monnaie et les artistes de la galerie, faut tout vous dire.
La première personne rencontrée en entrant : Ben, bien sûr, qui me demande des nouvelles de Julien Blaine. Il se trouve que je n´en ai pas depuis au moins quinze jours, mais Julien m´appelle au téléphone quelques minutes plus tard et bien sûr me demande des nouvelles de Ben. Il y a comme ça des coïncidences qui mettent du positif dans l´appréhension des choses (décidément). Pour vous rassurer je peux préciser que tous les deux ont l´air d´aller bien, et moi aussi, merci.
Histoire de faire plaisir à JF Meyer, j´avais mené quelques JSO qui me restaient et Ben m´a demandé s´il pouvait avoir la collection complète : tu vois JF qu´il est apprécié, le journal !

Thierry Lagalla
Thierry Lagalla

Bien, mais où en étais-je ? De quoi parlions-nous ?
Je vous fais confiance : vous aurez compris que j´écris un article sur l´art sans parler de l´art, en le prenant à la légère, comme c´est précisément le parti-pris post-fluxus d´ici et d´aujourd´hui. Nous pédalons dans la choucroute rance du paradoxe qui veut que tout le monde soit artiste et que toute démarche authentiquement artistique l´affirme avec assez de légèreté pour ne pas encombrer le débat mais assez d´aplomb pour être reconnue comme produit d´artiste plus artiste que les artistes du commun qui sont moins artistes que l´artiste dont il est question qui dit Moi, qui dit Je, parce que quand même l´ego de l´artiste va à l´encontre de sa générosité qui veut bien accepter tout le monde comme artiste si tout le monde le reconnaît comme l´artiste qui a su promouvoir l´art pour tous. Voilà, j´espère qu´en martelant la même chose plusieurs fois dans une seule phrase qu´il faudra vous entraîner à dire sans reprendre souffle vous parviendrez à l´intégrer.

Arnaud Labelle-Rojoux
Arnaud Labelle-Rojoux

Je vais à la ligne pour reprendre le fil : la ligne c´est d´ailleurs le titre de l´exposition, et ça connote rudement, de la ligne de crête à la ligne de coke, en passant par la crête de coq (non, c´est des gonocoques), par la ligne de pêche à celle de produits, les produits de la pêche à l´acheteur. En effet toutes les oeuvres exposées le sont sur une ligne, approximativement à hauteur de regard, pauvrement encadrées ou pas encadrées du tout, dans un fourre-tout somme toute rigoureux qui rappelle les années 70 (encore) revisitées soft. C´est bon enfant et sympathique avec des traces d´humour qui ne mangent pas de pain (ça évite les triglycérides).
Retrouvé avec plaisir Thierry Lagalla que j´avais apprécié à la Villa Arson (précédent JSO), avec ici des choses comme « La nature existe, c´est rigolo » que je trouve rigolotes. Ou Gérald Panighi, dans le même esprit, qui présente en dessin un truc vaguement indescriptible avec un mec dessus qui dit « On n´a jamais su ce que c´était »

Gérald Panighi
Gérald Panighi

Il y a aussi Arnaud Labelle-Rojoux : le dessin d´une demi-lune approximative dans laquelle sont éparpillées quelques croix de jeu de morpion (je décris de mémoire), avec en titre « Cerveau dessiné de mémoire ». Une parenté évidente entre ces diverses productions. Arnaud Labelle-Rojoux c´est aussi des tableaux de phrases à la Ben, son écriture anguleuse étant l´exact opposé de celle de Ben, toute en arrondis. De plus AL-R ne fait pas de photes d´ortaugraffe, ce qui est de nos jours un sévère handicap (comme de faire des alexandrins). Je me garderai d´aller vers l´aventure de l´interprétation freudienne de leurs écritures respectives, surtout maintenant que Freud est mort, achevé par Onfray.
Le travail de Jérôme Robbe tranche sur l´ensemble, très bien présenté avec son support métallique. Il s´agit en fait de dessins sur papier brûlés vifs, fixés au vernis et placés entre deux verres, très esthétique comme production (à vous de décider : critique ou compliment).
Il y en a d´autres que je n´ai pas cités, gardons-en pour plus tard.
Juste pour conclure, une remarque pertinente : j´aime bien.


A.S.


LA LIGNE
Michel de Broin,
Han Hoogerbrugge,
Arnaud Labelle-Rojoux,
Thierry Lagalla,
Florent Mattei,
Gérald Panighi,
Stéphane Protic,
Emmanuel Régent,
Jérôme Robbe,
Karine Rougier,
Stéphane Steiner.

du 6 mai au 5 juin 2010

Espace A VENDRE
17, rue Smolett, 06300 Nice
Tel : 04 93 79 83 44
www.espace-avendre.com


LA LIGNE - Espace A VENDRE


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Louis Alessandrini - l´interdit de galerie (à l´Espace Ecureuil)




Louis Alessandrini
l´interdit de galerie (à l´Espace Ecureuil)

par Jean-François Meyer


La Caisse d´épargne à Marseille a reservé un lieu à l´art plutôt contemporain, un espace écureuil si étroit qu´on ne peut y laisser entrer tout le monde.
Il vaut mieux être un écureuil cravatté avec une femme en tailleur. Un écureuil économe de ses deniers comme de ses dires, pertinent et convivial, bien disposé et qui réserve ses critiques.
Même si les expositions sont annoncées dans la presse locale il n´en reste pas moins qu´on y est paradoxalement reçu uniquement sur invitation. En tout cas il y a un videur à l´entrée habilité à décider qui n´a pas d´invitation.
Après tout c´est ce qui peut arriver dans un certain nombre de galeries où l´on préfère les avocats, les architectes ou les médecins voire les banquiers si par hasard il y en a de sortie plutôt que du tout venant chevelu ou rasé ou même artiste, et c´est même vrai à certaines heures dans certains musées. Mais en général ces lieux à la convivialité reconnue et à l´expérience éprouvée, s´ils peuvent engager un videur comme dans une boîte de nuit, prennent tout de même grand soin à réfrenner les ardeurs de ce personnel inhabituel.
Tel ne fut pas le cas ce mercredi soir.
Louis Alessandrini est un habitué des vernissages. Il a l´habitude d´assumer son état d´artiste marseillais en donnant généreusement son opinion dans les lieux qu´il visite. Il est très loin d´avoir ce côté pique-assietrte qui horripile les bourgeois si volontiers grégaires. Mais son look de dandy n´est pas facilement perceptible pour le vulgaire si prompt à stigmatiser la décadence qui semble courtoisement l´épargner. En plus sa dentition défaillante qu´il expose volontiers dans de larges sourires a tout lieu d´inquiéter une population de crocodiles aux dents longues.
Ce mercredi soir Louis s´est présenté sur le parvis de l´espace réservé aux écureuils casseurs de noisettes et le videur a tout de suite compris qu´il n´avait pas d´invitation. Comme Louis ne semblait pas assilmiler les subtilités de sa dialectique, l´agent de sécurité l´a empoigné et en l´insultant pour la bonne forme l´a poussé dans la rue.
Les deux personnes qui accompagnaient notre héros ont tenté de prendre des photos de l´incident historique et ont également été refoulées sans ménagement.
Je me suis présenté à l´entrée en demandant pourquoi on ne les avait pas laisser entrer. La réponse très technique a été que c´était sur invitation et que l´annonce dans le journal Ventilo avait été faite par erreur.


J-F.M


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Louis Alessandrini - l´interdit de galerie (à l´Espace Ecureuil)


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Lettre de New-York



Broooklin, photographie Xavier Girard
Broooklin, photographie Xavier Girard

Lettre de New-York
par Xavier Girard


Dear Thick Forest*,


Roissy, l´A 380 est à quai, baleine cargo au nez camus pour voyageurs marchandises. C´est le moment ou jamais - et c´est souvent le pire, comme dit mon cher Goffette - de s´armer de patience. Puisse la cendre de nos pêchés retomber sur nos fautes et nous laisser prendre le large, légers comme premiers communiants, à l´écart du crassier. J´ai oublié mon Guerre et Paix version club du livre et ma Recherche en pléiade et ne pourrais donc attendre l´heure dans ma cabine, comme au siècle dernier les passagers du Titanic sifflant cognac sur cognac à l´approche de l´iceberg de feu. Mes petits ouvrages de poche, j´en ai peur, ne suffiront pas à faire aller, ni Mes prix littéraires de « Madame Bernhard », ni même Pas un jour d´Anne Garréta et ses douze nuits d´amour, enfin presque. Je ne sais pas si je tiendrai le pari, infoutu que je suis, moi aussi, de respecter les règles que je me suis prescrites.

Brooklyn, dix ans après. Manhattan amputée de ses Twins, la nuit surtout. Des fenêtres de ma chambre je vois leur silhouette en creux. Je pense à cette vidéo de Matthieu Clainchard où l´on voit Evelyne Deilhat présenter la météo sauf que l´incrust de la carte est uniformément bleu. Et à ces films dans lesquels l´apparition des tours transforme la plus nulle des séries en fascinante « écriture du désastre ». Cette fois, je n´irais pas Downtown. Zéro curiosité. Je préfère Dumbo, le quartier des galeries, de ce côté-ci de l´Hudson.

J´ai bien fait de m´y rendre. Si la plupart étaient fermées, en faillite (?) ou en chantier, l´une d´elle, la Randall Scott Gallery était bien ouverte. « Cardinals and Criminals » de Marco Delogu, le titre de l´expo ne pouvait être plus d´actualité. Je connaissais de lui ses images de chevaux qu´on abat mais pas ses monsignores et ses assassins réunis. Delogu n´est pas allé leur tirer le portrait par hasard. Et pas par quatre chemins. De très classiques portraits en noir et blanc. Son oncle était archiprêtre. Et il photographie depuis quelques années déjà les prisonniers de Rebibbia, la grande prison de Rome où ses amis des années de plomb ont purgé leur peine. Mais cette fois, comme on pouvait s´y attendre, ses cardinaux ont des gueules d´assassin et ses criminels l´éminentissime dignité de princes de l´église romaine.

Delogu, cardinals  -  Delogu, criminals
Delogu, cardinals - Delogu, criminals

Le rapprochement, tout compte fait, n´est pas si blasphématoire. Il est en fait plus catholique qu´il n´y paraît. Les larrons n´étaient pas moins à l´image de Dieu que le Christ. Théorème en son temps, qui n´était pas, il est vrai, celui de Benoit XVI, reçut le prix de l´Office catholique du film. Mais Delogu dit autre chose encore qui ne peut qu´embarrasser l´église et l´état. Pourquoi se cardinaux sont si rarement en prison alors que de nombreux criminels furent et sont toujours trop fréquemment cardinaux ? Et si les innocents n´étaient pas ceux dont on baise l´anneau épiscopal sous les voutes du Vatican mais nombre de prisonniers de Rebibbia ? Si la dignité des criminels n´était pas moins évidente que celle des cardinaux, et peut-être même plus irréfutable que celle qu´arborent, un rien contrits souvent et le regard chassieux ces prélats embusqués sous la pompe ? Enfin, voilà de graves questions moins rhétoriques qu´on voudra bien le penser en ces jours où la catholicité semble ne plus très bien distinguer parmi ses saints ceux qui furent criminels ou non.

Comparées aux images de Delogu, les photos du baron de Meyer, exposées chez Robert Miller paraissent a contrario, d´une rare indigence. N´était le fétichisme quasi religieux dont on entoure ici le moindre portrait de Mary Garden ou de Cecile Sorel, l´exposition n´aurait guère plus d´intérêt qu´un album de plus dédié au dear Adolph depuis que le Center of Photography lui a consacré une expo en 1994. Alors on zieute les cadres des années folles et d´autres de moindre prix. On suppute faramineux le prix du vintage estampillé et signé. On regrette de n´avoir pas été invité au vernissage, déguisé en Marcel, gardénia à la boutonnière, comme chez les Guermantes, Vanity Fair et Vogue pour Baedeker.

Le nombre de galeries qui exposent à deux rues de là leurs petits trucs est décourageant. New-York serait-il devenu la grande surface du presque rien ? On appelle ça ici (enfin chez Andrea Rosen) des « sculptographs ». Tu prends une photo et tu greffes dessus une arborescence de bribes de fils métallique, de la cire, du ripolin, un peu de bois, un film radio, du Plexi, bref un savant dosage de n´importe quoi home made, tu appelles ça : Jessica at home, Maria, Carmen1 ou Frankie et c´est bon. Inez et Eugen van Lamsweerde trouvent ça so chic et Vinoodh Matadin également. Les peintures de chez Mitchell-Innes & Nash ne sont pas plus convaincantes. Et s´il arrivait à New-York la même fatale inflexion, le même affreux clinamen final qui vit Paris sombrer à pic, au tournant de 1964 et ne jamais s´en remettre tout à fait ? On regarde consterné les toiles de Joe Bradley et Chris Martin et rien n´y fait, on se dit qu´il y a trop de grandes et luxueuses galeries moyennes à Chelsea, trop d´artistes moyens, trop d´argent moyennement dépensé, trop de presque rien dans de trop beaux white cubes pour si peu d´objets de pensée. Et puis ce mélange de photo et d´acrylique vous revient à la figure comme dans les immenses peintures épinglées d´images d´Elliott Hundley. J´imagine que ces grandes tartines hérissées de falbalas comme au siècle dernier les Oiseaux exotiques de Stella d´équerres démesurément agrandies et barbouillées de peinture, doivent plaire. Mais non, rien n´y fait là encore. Les queues de comète se ressemblent. Trop d´effet pour trop peu de faits réels.

C´est curieux, mais cette sorte de papillonnement visuel généralisé doublé d´une absence abyssale d´ambition intellectuelle se constate jusque dans le sacro-saint « dispositif » mis en place par certains. Jacco Olivier, par exemple, chez Marianne Boeski, réalise des peintures rupestres dans le genre pos-impressionniste et fauve un peu ou expressionniste, façon Dangast, et les filme dans son studio. Ses sujets sont des plus académiques : paysage littoral avec baigneur surgi d´une grotte azurée, portrait, insecte, ciel étoilé. Sa manière est un éloge du coup de pinceau. On songe un peu à une leçon de peinture filmée en temps réel. Peu à peu le tableau prend forme ou plutôt, ses touches s´accumulant, le paysage coloré s´élabore sous les yeux du spectateur ébahi. Mais n´est pas Picasso, filmé par Clouzot, qui veut. L´image in progress est sans Mystère. Un grand paysage intergalactique conçu selon le même principe et projeté dans une salle obscure enchantera le brave fumeur de joint encore un peu high mais laissera de marbre le spectateur à jeun.

Keith Haring, «penthouse»
Keith Haring, «penthouse»

Il ne sera pas plus bouleversé par les laborieuses architectures de bois refendu et intriqué d´Ursula von Rydingsvard exposées galerie Lelong. L´artiste fort célèbre aux Etats-Unis doit probablement son succès au fonds de nostalgie forestière des américains. Depuis l´époque héroïque (1860-1880) des grands peintres de paysages de l´ouest américain tels que Sanford Gifford et Thomas Moran et des expéditions photographiques de Timothy O´Sullivan, Carleton E. Watkins et William E. Jackson vers Yellowstone, les artistes n´ont eu de cesse de célébrer la forêt primaire. C´est ce que fait aujourd´hui Rydingsvard, en brodant le bois à grosse mailles, pour tisser au paradis de la deep ecology ses cabanes rustiques.

Tu vois, le tour des galeries de Chelsea n´a rien de très bouleversant. Celles organisées plus bas dans Broadway ne valent pas mieux. Martin Parr, chez Janet Borden a complètement perdu la tête, ses photos cibachrome agrandies en dépit du bon sens sont des caricatures de sa propre imagerie. Celles de Beat Streuli chez Murray Guy et de Thomas Ruff chez Zwirner sont si remâchées qu´on sort de là éreinté et furieux. Les vues de Venise de Michael Kenna chez Robert Mann sont à vomir. Midtown, les photographes historiques étaient exposés en nombre : Berenice Abott chez Commerce Graphics, Man Ray au Jewish et à la Zabriskie, Fox Talbot chez Hans P. Kraus Junior, Joel Meyerowitz au museum of the city et Tina Modotti au Throckmorton Fine arts, rien là que de très excellent et de déjà vu mais de nouvelle scène photographique, point. Que n´exposes-tu tes photographies à New-York ?

Keith Haring - Bill T Jones, photographié par Tseng Kwong Chi
Keith Haring - Bill T Jones, photographié par Tseng Kwong Chi

Par comparaisons, les maisons plus classiques n´ont aucun mal à tirer leur épingle du jeu. La rétrospective Keith Haring chez Tony Shafrazi à l´occasion des vingt ans (déjà !) de la mort de Keith est formidable. Moi qui n´ai pas grande affection pour ses tags publicitaires, j´ai aimé l´allégresse et l´énergie à vif de l´expo. Les années 80, et pas seulement dans l´East Village, c´était aussi cela, les derniers feux d´une histoire moderne revisitée, l´excitation sexuelle maxima et le sens de la catastrophe. Les Body painting de Keith photographiés par Tseng Kwong Chi dans la petite galerie annexe de Paul Kasmin confirmaient ce que la grande expo démontrait à plaisir : le corps de Bill T Jones en servant de support aux lignes blanches du peintre réalisait le vœu de ces années là - si fortement incarné par Basquiat - de connecter primitivité et logosphère technologique, la rue et le musée et de soumettre l´espèce de chorégraphie de leur collapsus à la même éclatante intuition synthétique.

L´expo Beuys à la Pace Wildenstein pose toujours la même question : quid des performances au regard des pièces présentées dans des salles séparées ? Comment restituer le scénario des unes et la matérialité des autres quand les photographies noir et blanc et les vidéos tirent l´œil d´un côté et la puissance physique des matériaux combinés de l´autre ? Une échelle amarrée au sol par quatre pierres possède une force autarcique que l´enregistrement de l´action ne légende pas nécessairement mais vient argumenter sans fin. A l´inverse, Cubi II (1962), Gondola II (1964) et Primo Piano (1962) les sculptures de David Smith exposées chez Gagosian sont présentées isolément tels des monuments solitaires. L´exposition, magnifique, célèbre le sculpteur mort comme si ses œuvres existaient désormais à la façon d´un tombeau, au sens poétique du Tombeau de Couperin ou de Monsieur de Lalande, alors que Beuys continue à chercher à nous fourrer dans le crâne, par le biais d´instruments ad hoc, son bric à brac messianique. Reste que les stratagèmes employés se sont émancipés de leur maître et mènent aujourd´hui leur vie propre sans qu´il soit plus besoin de les justifier.

David Smith, «Gondola II»
David Smith, «Gondola II»

Je terminerai ce rapide watchtower par une surprise de taille : Hantaï - une série de grands formats de 1962 à 1994 - chez Kasmin, la première exposition significative du peintre depuis 2001 dans une manifestation collective au Wexner center for the Arts. Une évidence s´impose : la peinture de Hantaï est l´une des œuvres majeures de l´après guerre. A son contact, la prééminence de tout un pan l´art américain contemporain est largement remise en cause. Pas étonnant que la critique, les galeries et les musées américains aient jusqu´ici fait l´impasse sur son œuvre.

Hantaï
Hantaï

J´oubliais, la Biennale du Whitney est une horrible foirade. On en vient à penser que le concept d´art américain est aussi stupide que celui qui fondait cette autre absurde débine que fut La Force de l´art (français), il y a deux ans au Grand Palais. Heureusement que le musée de Brooklyn expose Kiki Smith, un bonheur dont je te reparlerai à mon retour. J´ai acheté le catalogue chez Strand où j´ai rencontré Denis Castellas, un des rares artistes niçois à sortir du lot.

Nota Bene. Brooklyn n´est plus l´échappée belle des artistes de Manhattan qui migrent en masse vers Harlem et Queens où les loyers sont moins chers. Sur un trottoir, j´ai trouvé une pile de livres de poésie. Parmi eux, un ouvrage de mon cher Wallace Stevens. J´ai aussitôt envoyé à A** ce court poème, le cinquième du cycle du Blackbird : I do not know which to prefer/The beauty of inflections/Or the beauty of innuendoes/The blackbird whistling/Or just after.


Je t´embrasse.
Xavier


* Michèle Sylvander



Lettre de New-York


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Plaine Page / Z I P - Un Max´ de poésie



Edith Azam
Edith Azam

Il est livre Max´...
par Antoine Simon


...puisque le titre de la manifestation c´est Un Max´ de poésie (qui rime souvent avec livre) et que ça se passe à Saint Max (imin), en Plaine Page, en pleine ZIP (Zone d´intérêt Poétique). Ca fait deux ans que Claudie Lenzi et Eric Blanco sévissent à Saint Max pour une semaine de poésie aussi folle que contemporaine, et beaucoup plus longtemps qu´ils ont investi ces contrées varoises, de Pourrières à Brignoles en passant pas Barjols, pour y implanter la bonne nouvelle poésie, celle qui ne se contente pas de lire, celle qui affirme l´accent tonique de la voix et du corps.
Il était urgent de sortir des grandes villes pour amener cette bonne et forte parole au contact des villages et des bourgs : la télé s´infiltre partout, il faut des contrepoids intelligents et sensibles.
Et puis c´est bien aussi de montrer aux enfants des écoles - ainsi qu´aux grands de la vie courante - que les poètes ne sont pas tous morts, enterrés dans les livres, qu´il y en a qui parlent et qui crient et qui gesticulent et que la morne plaine des journées n´est pas une fatalité.

Franck Doyen
Franck Doyen

Une semaine de pirouettes dans les mots et le reste, du 29 mars au 2 avril, avec Julien Blaine en inaugurateur, jouant précisément sur la langue avec la maestria de maestro qu´on lui connait, doublé dans le hall monumental de la mairie par l´intervention volontairement hésitatônnante de Franck Doyen.

Julien Blaine
Julien Blaine

Un hall immense de plafond, devenu refuge nostalgique pour toute la semaine par la grâce de l´exposition d´Henri Mérou En marge des cahiers : présentation originale de vieux cahiers d´écoliers dont il a accumulé une extraordinaire collection (4000 ou 20000 ?). Dès que vous vous penchez sur ces cahiers c´est toute votre enfance qui remonte, avec l´odeur du cartable bon marché en carton bouilli, bon, passons en écrasant furtivement la larme : Henri Mérou avait écrit l´année passée, dans le cadre de cette même semaine, des textes poétiques sur toutes les vitrines de la rue principale, il avait fallu le retenir de tendre des guirlandes de maison en maison, quel enfant !

Arno Calléja
Arno Calléja

Et puis les jours suivants ce furent des rencontres surprises dans les classes, des rencontres dans les rues avec des poèmes et même un orgue de barbarie (Lole et Lou), une rencontre-lecture au lycée avec Edith Azam qui parle son corps et son intérieur comme seule elle sait le faire, ainsi que Arno Calléja dont la bétonnière malaxe si bien les mots de l´attribut. Les internes du lycée ont découvert là une dimension du langage qu´ils ignoraient, et ça confirme la salubrité de l´entreprise. D´autant que Guy Ibanez s´était invité sans être prévu : il en a fait sa démarche artistique en quelque sorte, comme lorsque Pinoncelli détourne (ou retourne) la fontaine de Duchamp : ses mots criés mais inarticulés, ses sons avortés ou mats tirés de quelque objet, ses mouvements sans rythme, son attitude parfaitement dadaïste en somme, résume le spectre de l´humaine condition (ou sa condition spectrale). Là aussi les jeunes ont très bien réagi, moins bloqués dans des comportements appris qu´ils sont que les plus anciens, les trois intervenants se sont trouvés très entourés et bombardés de questions en rafales ce qui est somme toute très guerrier.

Antoine Simon
Antoine Simon

Il y a eu encore des performances et des propositions poétiques dans divers lieux au fil des jours, une lecture de Christophe Forgeot à la médiathèque, des ateliers Poéticoplastiks avec les enfants des écoles, par le même, par d´autres : Cathy Posson, Chantal Casefont, Sophie Menuet, Sylviane Simonet, l´Atelier Jetons l´Encre et les ateliers municipaux.
Il y a eu des lectures a plusieurs voix par les habitants du quartier du Deffends, de textes produits dans les ateliers de poésie.
Dois-je le dire ? J´ai fait aussi une lecture dans la rue principale, devant la librairie (oui, souvenez-vous, c´est un lieu où l´on trouve des livres), Le Jardin des Lettres. L´après-midi était battue par les vents glacés, ce qui m´a permis d´expérimenter la difficulté de faire arrêter les gens quand il fait froid, mais les amis étaient là en cocon protecteur, incitateur.
La semaine s´est terminée dans une apothéose érotique, au Cercle, avec les chansons très osées de Catherine Lecoq accompagnée,oui, mais au piano, de Marie Gottrand.
Et si tout ça contribue à faire naître la flamme artistique chez un seul enfant, ma foi, c´est gagné !


A.S.


Plaine Page
Z I P



Plaine Page / Z I P - Un Max´ de poésie


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Bernard Pesce - Frutta & Verdura



Paradis Artificiels
par Florent Joliot


Bernard Pesce revient. Après l´exposition « racontez moi une histoire » à la galerie Athanor en 2009, il présente sa série Frutta & Verdura à la galerie Jean-Francois Meyer.
Si lors de son exposition précédente, des femmes se mettaient en scène, accessoirisées sur fond noir, nues ou voilées, révélant de manière plus ou moins littérale une part de l´intime dans l´illustration d´une histoire fantasmée, si l´histoire était alors le prétexte à la réalisation de l´objet sculptural ; Dans cette nouvelle exposition qui met en lumière légumes et fruits, c´est l´objet qui précède la fiction, qui initie le fantasme.
En effet chez Pesce les objets sont sexués, ici banane, courge, orange, pêche, tomates, cerise, fraise, aubergine... nous montrent leur délicieuse obscénité. C´est la lumière qui les révèle, qui creuse leurs failles, caresse leurs monts, le grain de leur peau et de leurs interstices.
Lors de sa précédente exposition je me suis interrogé sur les jonctions qui me faisaient rapprocher ses compositions des scènes photographique ou des performances d´Orlan. En dehors de l´esthétique concomitante de ses travaux c´est sans doute le caractère sculptural, immuable, totémique des scènes présentées, et d´une sexualité qui même lorsque elle est affichée voir exhibée, reste latente, irréalisée. La lumière vive, spermicide, joue le même rôle que le maquillage, dans un même mouvement elle exacerbe l´objet sexué et le protège de l´agression, plastifie sa surface. Les couleurs vives et saturées de ces objets évoquent les bonbons acidulés, et promettent l´extase douloureuse des paradis artificiels.


Bernard Pesce, « Orange », 2010, Tirage argentique monté sur Dibond et cadre métalique, 120 x 120 cm
Bernard Pesce, « Orange », 2010, Tirage argentique monté sur Dibond et cadre métalique, 120 x 120 cm

Au même titre que les Becher ou qu´Edward Weston, Bernard Pesce ne photographie pas, il sculpte, il explore la matière par la lumière. Si dans les images également qualifiables de totémiques de Weston on reste fasciné par le doux érotisme des galets, des poivrons ou des bois flottés ; Pesce en prend le contre-pied, maniant l´archétype au sens Jungien du terme, en tant qu´ « image primordiale », travaillant en cadrage frontal, sous la lumière crue et sur fond noir, agrandissant de manière démesurée voir obscène ses objets qui même souillés, disséqués conservent paradoxalement leur caractère immuable, originel.
Si toutefois les objets de Pesce sortent indemnes de leurs altérations c´est parce qu´ils sont d´emblée déréalisés et acceptés comme tels, ils sont en représentation (tout comme les personnages de ses photographies). On ne s´étonnera donc pas que l´artiste ait officié dans le monde de la publicité et l´on sent que si d´aventure on cédait à la promesse « marketée » des fruits défendus que sont les Lips, et les Frutta & Verdura ils auraient le goût des « Tutti frutti condoms », le goût de l´artifice.


F.J.


Bernard Pesce du 21 avril au 21 mai 2010
ww.bernardpesce.com



Bernard Pesce - Frutta & Verdura